A la fois agence artistique, régie publicitaire et société de production, les réseaux multi-chaînes, sur YouTube et Dailymotion, déjà très présents aux Etats-Unis, se structurent en Europe, à l’image de Canal+ qui s’est offert lundi Studio Bagel, pour développer l’audience et les revenus autour de vidéos toujours plus professionnelles. En prenant une participation majoritaire dans Studio Bagel, ce réseaux multi-chaînes (MCN, de l’anglais «multi-channel network») humoristiques sur YouTube qui rassemble près de 6 millions d’abonnés et plus de 40 millions de vidéos vues par mois, le groupe Canal+ accroît sa présence sur les plateformes vidéos web et son activité numérique. Le rachat de cette pépite du web français, née il y a moins de 2 ans, intervient après le lancement en décembre par Canal+ d’une vingtaine de chaînes gratuites sur YouTube. Objectif ? Rendre plus visibles sur internet les émissions diffusées en clair à la télévision sur ses antennes (Canal+, D8, D17 et i-Télé). Il est également entré au capital du MCN américain généraliste «Maker Studios». Autre manoeuvre récente en France, le groupe de médias sur internet Webedia, filiale de Fimalac, qui ambitionne de devenir le 1er groupe de média numérique français, a annoncé mercredi dernier l’acquisition de Melberries, un réseau multi-chaînes tricolore. Ces structures multiformes, sont tantôt généralistes, tantôt spécialisées dans un seul domaine, comme la publicité, la production de contenus, la technologie ou les droits d’auteurs. Les opérations de Canal+ et Webedia illustrent la recomposition en cours dans le domaine de la vidéo en ligne en France et en Europe, avec quelques années de décalage avec les Etats-Unis. Les MCN sont devenus des écosystèmes où se concentrent une part importante de la consommation de YouTube ou Dailymotion. Outre-Atlantique, des MCN comme «Awesomeness TV» ou «Fullscreen» comptent déjà des dizaines de milliers de chaînes YouTube affiliées. D’autres, comme «Machinima» (jeux vidéos) ou «Style Haul» (mode et beauté) se sont spécialisés par thématiques. «Les MCN sont aujourd’hui – aux Etats-Unis mais pas seulement – des acteurs extrêmement puissants en termes d’audience et de revenus sur les plateformes de partage de vidéos, et ce souvent loin devant des acteurs plus traditionnels de l’audiovisuel», souligne Antoine Nazaret, responsable des contenus pour la France chez Dailymotion, où l’on trouve aussi des réseaux multi-chaînes. Le succès de YouTube, qui compte plus d’un milliard de VU par mois et a généré, selon le cabinet eMarketer, 5,6 milliards de dollars de recettes publicitaires en 2013 (+65,5% par rapport à 2012), a suscité l’intérêt des grands groupes audiovisuels mondiaux, longtemps sur la défensive, qui, désormais, «multiplient les investissements et les acquisitions» dans le domaine des MCN, explique le cabinet NPA Conseil. Fin 2013, le géant néerlandais Endemol («Big Brother», «Star academy»…), qui possédait déjà plus de 100 chaînes YouTube dans le monde, a dévoilé son projet d’investir plus de 30 millions d’euros dans un réseau de chaînes premium sur toutes les plateformes de vidéos en ligne, baptisé «Endemol Beyond». Euronews, la BBC, France Télévisions, M6 ou Fremantle ont aussi leur MCN. Des acteurs français indépendants, comme Wizdeo ou Believe, sont devenus des MCN incontournables.