Chaque année, le DigiWorld Summit est le rendez-vous des acteurs du numérique. A partir des analyses des experts de l’IDATE, ils confrontent leurs visions sur notre monde numérique et ses enjeux. Rencontre avec Yves GASSOT, Directeur général de l’IDATE.
média+ : La croissance mondiale dans le secteur des télécoms est faible. Pourquoi ?
Yves GASSOT : C’est la conjugaison de plusieurs éléments. L’industrie des télécommunications est soumise à des politiques de concurrence qui donnent lieu le plus souvent à des guerres des prix. Il y a un mouvement de déflation, et c’est particulièrement vrai en Europe. Deuxièmement, les opérateurs télécom sont dans une transformation radicale. La voie téléphonique représente aujourd’hui une portion congrue du business. Les applications sont sorties du réseau de télécommunications pour constituer les OTT (Over The Top). Les opérateurs télécom doivent redéfinir leur business model pour conserver des marges brutes conséquentes. Ce sont des acteurs qui ont des obligations d’investissement de l’ordre de 12 à 16% de leur chiffre d’affaires pour investir dans la 5G et la fibre optique. C’est une économie assez tendue mais extrêmement puissante. Quand vous regardez la totalité des revenus du secteur du numérique qui est à près de 3.600 milliards €, les télécoms engrangent plus de 1.100 milliards €.
média+ : La stratégie de convergence des télécoms va-t-elle se généraliser ?
Yves GASSOT : La 1ère acceptation de la convergence est celle du fixe et du mobile, que ce soit au niveau des infrastructures que des offres commerciales. La 2ème interprétation de la convergence, c’est l’intérêt manifesté par les acteurs de télécommunication pour les contenus audiovisuels, soit pour distribuer des chaînes de TV ou des services de SVOD, soit pour investir directement dans la production. C’est ce que ATT cherche à faire en cherchant à prendre le contrôle de Time Warner. La tendance principale est celle de la globalisation de l’audiovisuel.
média+ : Comment les opérateurs télécom s’invitent-ils sur le marché audiovisuel ?
Yves GASSOT : Plus que jamais, le contenu est roi. Préalablement, quand un studio d’Hollywood voulait exister en France, il devait passer un contrat avec une chaîne de TV. Aujourd’hui, si vous disposez des droits, vous pouvez à partir de quelques serveurs, offrir l’accès à vos films et séries sans avoir besoin d’Orange, TF1, Vodafone ou de la BBC. Demain, l’internet sera très haut débit. Et si jamais un opérateur de télécom ou un câblo-opérateur refuse les produits du studio, la concurrence sera effective. Des acteurs comme Netflix peuvent partir à la conquête du monde. Face à cette situation, les plus gros des opérateurs comme ATT ou Verizon, plutôt que de se laisser contourner par Netflix ou par l’autodistribution d’Hollywood comme le fait HBO, remontent dans la chaîne de valeur et achètent des chaînes de TV ou des contenus. Le risque que vous prenez est de contracter le chiffre d’affaires. De plus, la loi antitrust n’aime pas trop l’intégration verticale.
média+ : Donald Trump n’a pas attribué de place importante aux télécoms. Quel sera impact sur le marché ?
Les Républicains sont beaucoup plus favorables aux télécoms mais restent assez hostiles au monde la Sillicon Valley ainsi qu’au marché de l’internet. Les efforts de régulation de la FTC (Federal Trade Commission) que l’on a connus aux Etats-Unis ces 3 dernières années, pour imposer un peu plus de concurrence, risque d’être mis en cause par l’administration Trump. La neutralité du Net pourrait même être menacée. Du côté de la Sillicon Valley, on peut craindre que les agences fédérales aient plus de pouvoirs pour remettre en cause le cryptage mis en œuvre par des plateformes telles que Facebook ou WhatsApp. Comme la volonté de Trump est de protéger le marché national, il peut faire grimper les droits de douane que payent Samsung, forcer Apple à réintégrer une partie de la production aux Etats-Unis, ce qui ferait exploser le prix des smartphones.