Tucker Carlson, porte-voix radical de l’Amérique conservatrice

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Emission après émission, il est devenu l’une des voix les plus retentissantes de l’Amérique conservatrice. Tucker Carlson, présentateur star et proche de Donald Trump qui vient d’annoncer qu’il allait interviewer Vladimir Poutine, a été accusé de populariser des thèses complotistes et racistes. «Nous faisons du journalisme, notre devoir est d’informer les gens», a-t-il lancé mardi dans une courte vidéo sur X pour justifier son futur entretien avec le président russe. Avant de quitter Fox News en avril, il animait sur cette chaîne «Tucker Carlson Tonight», l’une des émissions les plus regardées du câble. L’animateur y a dressé de 2016 à 2023 le portrait d’une Amérique assiégée par l’immigration, les manifestations de Black Lives Matter ou encore la bien-pensance. Les yeux bleus plongés droit dans ceux des téléspectateurs, cinq soirs par semaine et pendant une heure, il commentait l’actualité d’un ton très personnel, assénant que «les hommes américains sont dans une position très délicate» ou que «le racisme anti-blanc explose à travers le pays». Opposé à l’avortement, grand défenseur du droit à porter des armes, le quinquagénaire pro-Trump n’a jamais hésité à exposer ses opinions dans une émission qui se revendiquait, sur son site, comme «l’ennemie jurée du mensonge». Depuis son départ de Fox News, le présentateur diffuse une nouvelle émission sur X, au cours de laquelle il a interviewé l’ancien président Donald Trump, candidat à la présidentielle de novembre. Les deux hommes avaient couvert pêle-mêle le décès en prison du financier déchu Jeffrey Epstein, la relation du républicain avec Kim Jong Un et l’âge de Joe Biden. L’animateur s’est aussi rendu à Buenos Aires pour parler au nouveau président argentin Javier Milei, et à Budapest pour interviewer le Hongrois Viktor Orban. A en croire ses détracteurs, Tucker Carlson a souvent compté sur la frayeur pour gagner des téléspectateurs. Jusqu’à aller trop loin? En mai 2022, une tuerie raciste avait endeuillé Buffalo, dans l’Etat de New York. Le jeune suprémaciste blanc accusé d’avoir cherché à tuer le plus d’Afro-Américains possible avait été influencé par la théorie du «grand remplacement», idéologie d’extrême droite selon laquelle la population blanche va être supplantée par une population immigrée. Or, à l’antenne, Tucker Carlson a évoqué des centaines de fois l’idée que les Blancs étaient remplacés par d’autres groupes ethniques, selon un décompte du «NYT». Reprenant ce chiffre, le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, avait dénoncé «un poison répandu par l’un des plus grands médias du pays». Malgré les mises en cause, Fox News a longtemps soutenu son poulain coûte que coûte, arguant de la diversité des opinions qu’il était censé représenter. Jusqu’à l’an dernier. Imperméable aux critiques, ce père de 4 enfants disait en septembre 2022 qu’«on ne devrait se soucier que de l’avis de ceux qui se soucient de vous», dans une interview au Rubin Report. Une leçon qu’il dit tirer de son «enfance bizarre», marquée par le départ de sa mère, artiste, alors qu’il n’a que 6 ans. Elle finit par s’installer en France et ne revoit plus ses enfants. Elevé par son père journaliste, il marche sur ses traces en sortant de l’université après avoir tenté, sans succès, d’intégrer la CIA. Le chemin vers la gloire est long pour Tucker Carlson, qui travaille notamment pour CNN et se retrouve temporairement au chômage, autour de ses 40 ans. Celui qui affirme n’avoir jamais eu de télévision vit loin du coeur politique des Etats-Unis, dans un coin rural du Maine. C’est de là-bas qu’il enregistrait généralement son émission, depuis un studio aménagé pour lui. La politique sera-t-elle pour lui la prochaine étape? L’intéressé avait évacué l’idée d’un éclat de rire sur le podcast conservateur «Ruthless», en juin 2022. «Je suis un présentateur de talk-show. J’aime ça».