Trois questions à … Vincent Brossel, responsable du bureau Asie Pacifique de Reporter Sans Frontières.

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    Le Gouvernement chinois affiche une volonté d’assouplir la liberté de l’information. Mais il s’agit d’une volonté aussi temporaire qu’inapplicable aux médias chinois. Vincent Brossel et Reporters sans Frontières restent vigilants.

    média+ : En quoi va consister cet assouplissement des contrôles du Gouvernement chinois?

    Vincent Brossel : Les autorités chinoises ont accepté d’assouplir les règles qui compliquaient le travail des journalistes étrangers en Chine. Il faut replacer cette décision dans son contexte : les Jeux Olympiques se dérouleront Pékin à 2008. Pour l’instant, il ne s’agit que de mesures temporaires qui ont commencé le premier janvier et qui devraient finir mi-octobre 2008. On espère que les anciennes ne seront jamais rétablies. La Chine avait parmi les grands pays la pire régulation pour le travail des journalistes étrangers. Chaque journaliste correspondant ou résident devait demander avant toute sortie de Pékin, ou toute interview, une autorisation préalable du ministère des affaires étrangères. Depuis quelques années, les journalistes étrangers travaillaient sans trop respecter ces règles. Mais dès qu’ils touchaient à des sujets sensibles, ils se faisaient arrêter, ou expulser d’une région. C’était d’autant plus pour les journalistes de télévision. Avec une caméra, on est forcément plus visible.

    média+ : Peut-on se fier à cette déclaration de volonté du Gouvernement chinois ?

    Vincent Brossel : On verra comment ça se passera. Certaines autorités locales voient ça d’un très mauvais œil. Il faut rester prudent. Pour l’instant, il n’y a pas eu d’incident mais il pourrait y en avoir rapidement si des journalistes sont interpellés lorsque certains sujets sensibles seront abordés. Accordons au Gouvernement chinois le bénéfice du doute. En tout cas, ces mesures ne concernent que les journalistes étrangers. Il n’y a aucun engagement envers les journalistes chinois. On a l’impression que les autorités agissent sous la pression internationale, qu’elles comptent pas améliorer la situation des nationaux. Il y a peu d’indices d’une éventuelle réforme politique dans le pays. Les autorités n’ont même pas promis de débloquer les sites Internet inaccessibles depuis la Chine.

    média+ : Quel est l’état du paysage audiovisuel en Chine ?

    Vincent Brossel : L’audiovisuel chinois est en pleine transformation du fait du câble, d’un fort investissement public et privé dans la télévision et d’un marché publicitaire en pleine explosion. La grande télévision publique, CCTV, contrôle plusieurs dizaines de chaînes. Au niveau local, c’est le gouvernement local dirigé directement par le parti communiste qui possède des chaînes de télévision régionales. Depuis quelques années, il y a des chaînes de télévision privées, dans la mesure où elles dépendent de la publicité. Mais elles doivent toujours avoir un «chapeau rouge» et être rattachées à un organe officiel. Les médias étant plus en compétition, ils ne peuvent plus servir que de la langue de bois. Il y a des émissions politiques, des talk-shows, des enquêtes sur des sujets sociaux, mais on ne touche pas vraiment à la politique en tant que telle. Il y a toujours un gros contrôle du média audiovisuel par le parti unique au pouvoir depuis 1949. La chaîne un peu plus libre vient d’Hong Kong, Phénix TV. Mais elle n’est pas captée par tout le monde.