Trois questions à… Jacques Séguéla, vice-président du groupe Havas

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    L’évolution technologique évolue. Le très communicant Jacques Seguela aussi. Toujours aussi fertile en idées originales, flairant l’air du temps, il nous indique sa vision de la communication du futur : l’idée sera au centre de tout et « circulaire ».

    média+ : Quelles seront les conséquences de l’évolution des nouveaux médias sur les messages publicitaires ?

    Jacques Séguéla : En matière de publicité, le net ne prend pas particulièrement de part de marché à la télévision. Internet est à 5% des investissements publicitaires, ça va monter à 10% et ça finira à 20-25%. Ce n’est pas fracassant. Mais, internet a changé la manière de penser du consommateur. Nous sommes en train de vivre un tsunami sociétal qui est le passage d’une révolution industrielle qui a marqué le 20ème siècle à une révolution « infostrielle » qui va marquer le 21ème siècle. En parallèle de cela, nous passons d’une culture de l’écrit, Gutenberg, à une culture de l’image puis à l’ère du net, celle de Steve Job (Apple) et de Bill Gates (Microsoft). Ça nous oblige, nous, les créatifs, à remettre en cause la notion même de l’idée. Hier, c’était un concept : «Y a bon Banania» était un message qui descendait directement sur le consommateur. Aujourd’hui, il s’agit d’une idée circulaire qu’on met dans le «cyclotron des médias». Elle va puiser son énergie dans la friction des médias qu’elle va trouver sur son chemin. L’idée est lancée par le net. Elle est reprise par la télévision. La presse lui donne une certaine densité. La radio la rend commerciale. La promotion en fait un acte d’achat. Le marketing direct la personnalise. Les relations publiques en font parler en permanence. L’idée d’aujourd’hui ne doit donc plus être un concept, mais permettre de créer une histoire.

    média+ : Existe-t-il une idée qui a été répandue de cette manière ?

    Jacques Séguéla: Il n’y a que les concepts qui ont été lâchés en histoire qui marchent sur le net. Parfois, elles ont été à écrites et réécrites par les internautes. Ceux-ci les font circuler. Finalement, elles ont fait le tour du monde. Ma campagne «Evian», par exemple. Ça commence avec un spot de trente seconde : un tube des Queens chanté par une voix d’enfant puisque le concept était « l’éternelle jeunesse ». La musique a un tel succès qu’on en a fait un disque. Un million de disques vendus. Il a un tel succès qu’on en fait un clip. Celui-ci passe sur les télévisions gratuitement. C’est une deuxième campagne pour le prix d’une. Tout ça contribue à faire un effet « boule de neige ». Devant le succès du programme, on aurait dû en faire une bande dessinée et finalement, un long métrage de deux heures produit par Danone, Havas et Disney. On part de trente secondes qui fournissent deux heures à l’arrivée.

    média+ : Quelles seraient les conséquences de cette nouvelle manière de concevoir la communication pour les agences ?

    Jacques Séguéla : Il faut sortir du duo créatif commercial au trio créatif commercial et un médiateur. Dès le départ, il doit décider des médias. Il devra trouver cette idée circulaire et organiser la participation des médias dans le cyclotron. Si on va jusqu’au bout, il ne faut pas simplement changer les structures à l’intérieur de l’agence, il faut leur permettre d’avoir à l’intérieur d’avoir ces outils-là. Mon rêve est de créer un village média sur 50 000 m2. Au cœur, on aurait les médias. Mais on retrouverait aussi tous les métiers de la publicité d’aujourd’hui, une vingtaine. Ainsi que les médias du groupe Bolloré, les journaux, les télés, les gratuits. Ça permettrait que tout le monde collabore aux différentes strates de la communication, que tous réfléchissent ensemble.