La principale association de défense
des médias au Mali s’est émue
vendredi du «malaise général» régnant
selon elle au sein d’une corporation
saisie par la «hantise» de ne pouvoir
exercer convenablement sa mission
après la suspension de France 24 et
RFI.
La junte au pouvoir à Bamako a
annoncé le 17 mars la suspension,
«jusqu’à nouvel ordre» de ces
deux médias du pôle extérieur de
l’audiovisuel public français, en
reprochant à RFI d’avoir donné la
parole quelques jours plus tôt à des
victimes présumées d’exactions qui
auraient été commises par l’armée
malienne et le groupe de sécurité
privé russe Wagner.
Dans une note adressée au ministre de
la Communication, Harouna Toureh,
la Maison de la Presse rappelle qu’à
la suite de cette «décision inédite»,
elle était «allée jusqu’à inviter les
médias nationaux et étrangers à plus
de responsabilité et […] à soutenir les
forces armées et de sécurité dans le
noble combat contre le terrorisme».
Mais la Maison de la Presse, qui
rassemble les principales associations
de journalistes du pays, ajoute que
«concernant l’impact de cette mesure,
les constats sont», celui d’un «malaise
général au sein de la corporation» et
de «la hantise de ne pouvoir exercer
le métier conformément aux principes
éthiques et déontologiques d’un
journalisme sensible au conflit».
Le texte s’inquiète également de «la
situation précaire dans laquelle se
retrouvent les professionnels maliens
des médias» ayant un contrat avec
RFI ou France 24 et déplore que «des
populations» n’aient plus accès aux
informations de ces deux médias, très
suivis au Mali, comme ils le sont dans
toute l’Afrique francophone.
«La note intervient à un moment
où le ministère demande notre
accompagnement pour faire appliquer
la mesure de suspension. Nous
leur avons dit que nous avons déjà
fait beaucoup en prenant acte et en
exprimant notre soutien à l’armée.
Les voix maliennes opposées ne sont
pas forcément apatrides», a déclaré
Bandiougou Dante, président de la
Maison de la Presse.
Peu après la mesure de suspension
visant les deux médias français,
des associations de journalistes
avaient approuvé la décision du
gouvernement, mais au sein de la
Maison de la Presse, des journalistes
ont ouvertement critiqué ce qu’ils
ont perçu comme un alignement de
celle-ci sur la position du pouvoir,
qui a signalé ces derniers mois son
intention d’exercer un contrôle plus
strict sur les médias.