Le débat-marathon sur le projet de réforme de l’audiovisuel public a viré lundi à la mise en accusation du gouvernement sur la liberté de la presse, après l’interpellation du journaliste de «Libération» Vittorio de Filippis dans une affaire de diffamation. Dans l’après-midi, Nicolas Sarkozy a exprimé «son émoi» et annoncé une mission. Mais auparavant la gauche s’était emparée de l’affaire en établissant un lien avec la réforme de l’audiovisuel, texte contre lequel elle mène une guérilla parlementaire. En marge du débat à l’Assemblée, elle a enjoint le gouvernement et l’UMP de donner «clairement» leur position. «Nous avons été extrêmement choqués de la façon dont Mme (Rachida) Dati a commenté cette affaire», a déclaré Didier Mathus (PS), après que la Garde des Sceaux eut évoqué au Sénat une procédure «tout à fait régulière». «J’ai téléphoné à Laurent Joffrin (le directeur du quotidien, ndlr)», a indiqué Christine Albanel (Communication), «surprise et émue», qui a rappelé avoir rédigé «un communiqué, sans (se) prononcer sur le fond, pour que toute la lumière soit faite». Insuffisant pour l’opposition: «Nous espérions (…) que vous étiez tout aussi choquée et scandalisée que nous», lui a répondu Noël Mamère (Verts). «Nous savons qu’aujourd’hui il y a une chasse engagée contre les journalistes», a lancé l’ex-présentateur du journal télévisé. «Le projet de loi est aussi une atteinte aux libertés puisque le service public de l’audiovisuel est remis en cause», a-t-il assuré. «L’amalgame entre cette regrettable affaire et le projet de loi audiovisuel me paraît dommageable», a répliqué Mme Albanel. Le texte prévoit notamment la nomination du P.-D.G. de France Télévisions par le chef de l’Etat. Jean-Pierre Grand (UMP) a tenu à souligner que «l’émotion est sur tous les bancs de cette Assemblée. Ces choses-là ne peuvent pas se reproduire». «Le secret des sources, c’est aussi important aujourd’hui que l’était le mutisme, pendant la guerre, des résistants quand ils ne voulaient pas dénoncer leurs petits camarades. Je considère aujourd’hui que, dans notre démocratie, on a le devoir absolu de préserver la liberté de la presse», a poursuivi ce proche de Dominique de Villepin. Par ailleurs, le socialiste Michel Françaix, membre des Etats généraux de la presse, a déploré, dans un communiqué, «les méthodes utilisées vis-à-vis des journalistes. De leur côté, les sénateurs PCF ont demandé une enquête et la sénatrice Verts Marie-Christine Blandin a saisi la Commission nationale de déontologie de la Sécurité (CNDS). L’Assemblée doit examiner mardi en commission, en seconde lecture, un projet de loi sur la protection des sources des journalistes. Poursuivi pour la parution en 2006 sur le site du journal d’un commentaire de lecteur sur les démêlés judiciaire de Xavier Niel, fondateur du fournisseur d’accès internet Free, M. de Filippis a relaté avoir été interpellé sans ménagement à son domicile, vendredi vers 6h40, par des policiers qui l’ont selon lui insulté devant ses enfants, au motif qu’il n’aurait pas répondu à une convocation.