«Staying Alive»: une appli pour géolocaliser des secouristes bénévoles

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Soudain, une personne s’écroule, victime d’un arrêt cardiaque. À peine le temps d’appeler le 112 qu’un secouriste bénévole, géolocalisé à proximité grâce à une application française, surgit pour procéder aux gestes qui sauvent, en attendant l’arrivée des pompiers ou du Samu. Voilà le principe de «Staying Alive», une appli mobile mise à disposition des services d’urgence dans 80 départements français et déployée notamment dans le Lot-et-Garonne, pionnier dans son utilisation depuis 2017. Au total, 300.000 «Bons Samaritains» susceptibles d’intervenir en cas d’accident se sont enregistrés dans l’appli, dont 90% en France. Dans la banlieue d’Agen, un opérateur du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis 47) reçoit un appel d’urgence. «On a un arrêt cardiaque sur Foulayronnes!», lance ce pompier à ses collègues du Samu, pour déclencher l’envoi d’un véhicule médicalisé (Smur). Puis il tente de rassurer son interlocutrice: «On a deux Bons Samaritains sur la voie publique, je les déclenche», dit-il, cliquant sur la carte pour activer les deux téléphones correspondants. Marie Gonella a elle-même été «déclenchée» en 2021 pour sauver un septuagénaire devant la mairie de Fleurance (Gers). «Quand je suis arrivée, la personne était en arrêt, couchée sur un banc», raconte la jeune femme de 25 ans, réserviste en gendarmerie. «J’ai massé jusqu’à ce que les pompiers et le Smur arrivent et prennent le relais. Ça a duré une dizaine de minutes. C’était très long…». Même scénario pour Lucas Gomez, 20 ans, qui regardait un film chez lui en décembre lorsque l’appli lui a demandé de rejoindre un restaurant voisin où un sexagénaire s’étouffait avec de la nourriture. «J’étais en pyjama, je suis parti à fond», raconte cet élève infirmier, sapeur-pompier volontaire. Car chaque minute compte. «Les Bons Samaritains arrivent en moins de 2 ou 3’» contre environ 15’ pour les secours, relève le colonel Xavier Pergaud, directeur adjoint du Sdis 47. Un délai «stratégique» pour «sauver les organes vitaux et notamment l’oxygénation du cerveau», note-t-il. Une étude scientifique de 2020, menée à partir des données compilées par les pompiers de Paris, montre un taux de survie à l’arrêt cardiaque de 16%. Il bondit à 35% lorsqu’un sauveteur bénévole, mobilisé grâce à l’appli, intervient immédiatement. Créée en 2010, Staying Alive devait initialement cartographier les défibrillateurs. Il y a dix ans, le concept devient plus ambitieux: une géolocalisation «en temps réel» de bénévoles formés aux 1ers secours – sans enregistrer leur localisation pour préserver la vie privée. D’autres applis apparaissent: SAUV Life, Permis de Sauver, … Dans le Lot-et-Garonne, quelque 1.500 bénévoles sont inscrits sur Staying Alive, mais il en faudrait 5.000 pour mailler le territoire, note Xavier Pergaud. Le Sdis 47 met donc en avant l’appli lors de ses sessions de formation aux 1ers secours. Mi-février, à Nérac (Lot-et-Garonne), une dizaine de puéricultrices effectuent un massage sur des mannequins au sol. «Gardez le rythme! Chantez la chanson des Bee Gees! Ah, ah, ah, ah, Stayin’ Alive», scande la caporale Mathilde Bourdon, venue les former. La cadence du tube disco correspond en effet à celui d’un massage cardiaque, à raison de 100 à 120 compressions par minute. En France, un secouriste bénévole est «déclenché» toutes les 20’ en journée, soit plus de 50.000 déclenchements depuis 2018, s’enorgueillit la fondation Le Bon Samaritain, qui développe l’application Staying Alive. La structure fonctionne en trouvant des mécènes, comme La Poste ou la Maif. Elle dispose d’un budget de 250.000 euros par an, qu’elle aimerait doubler pour mieux accompagner les bénévoles. «Les Bons Samaritains interviennent, sauvent des vies, les gens en parlent, les médias en parlent, et ça fait un cercle vertueux», résume Laurent Istria, responsable du développement du Bon Samaritain, qui espère convaincre d’autres départements français, voire d’autres pays, de s’équiper.