Risques du téléphone au volant : sur une piste d’essais, une simulation choc

Une voiture roule à 50 km/h sur une chaussée humide derrière un van, son conducteur envoie des SMS. Le véhicule de devant déboîte subitement. L’homme, les yeux rivés sur son téléphone, ne voit pas l’enfant qui traverse, percuté de plein fouet. Ce scénario tragique est simulé au centre d’essais Utac de Linas-Montlhéry, dans l’Essonne. La sécurité routière vient d’y lancer une campagne de sensibilisation aux dangers du smartphone au volant, en amont de la Journée mondiale sans téléphone portable organisée de jeudi à dimanche. «Il suffit d’une seconde et c’est le drame», alerte Charles Renaudin, chef de projet Utac, qui participe à la simulation. «Vous suivez un véhicule qui a une vitesse constante donc vous avez l’impression qu’il n’y a pas de danger» mais «avec le regard sur le téléphone, vous ne pouvez pas l’éviter», argumente-t-il en référence au mannequin renversé, qui pourrait être un enfant de six ans. «Le téléphone est impliqué dans un accident mortel sur dix et dans un quart des accidents corporels», indique à la presse la déléguée interministérielle à la sécurité routière, Florence Guillaume. Des chiffres «en hausse» même s’ils sont difficiles à quantifier, l’usage du téléphone n’étant pas mesurable avec certitude, contrairement à l’alcool et aux stupéfiants. «Il faut sortir du déni», estime la responsable gouvernementale. La déléguée interministérielle explique que le smartphone «est le plus grand des distracteurs, il détourne l’attention de manière visuelle, auditive, cognitive et physique», notamment par les notifications. «Les gens sont dans le déni parce que tout le monde l’utilise et qu’on peut téléphoner en Bluetooth», affirme Florence Guillaume. Selon le baromètre 2024 de l’association Axa Prévention, 80% des automobilistes reconnaissent utiliser leur téléphone en conduisant, un chiffre qui grimpe à 97% pour les conducteurs de véhicules de société. En 2023, selon l’Observatoire de la sécurité routière, 555.146 contraventions ont été relevées pour usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation. Et 57.461 pour conduite avec oreillette, le kit mains libres n’étant autorisé qu’en haut-parleur. C’est une question de «mimétisme, on se dit que tout le monde le fait donc c’est moins grave» et il existe «un biais de confiance qui fait qu’on pense avoir le temps de rattraper son écart de véhicule», fait valoir la déléguée interministérielle. Florence Guillaume souligne qu’»écrire un message au volant multiplie le risque d’accident par 23 et téléphoner par trois». La sécurité routière, avec sa campagne brandissant le slogan «quand vous regardez votre téléphone, qui regarde la route ?», espère que la population «va prendre conscience» de ce danger. Car pour la neurologue Servane Mouton, beaucoup d’automobilistes tentent de se rassurer en se disant «que ça n’arrive qu’aux autres» et «n’ont pas conscience du pouvoir de distraction réel du téléphone», aujourd’hui «omniprésent dans la vie». Non, «notre cerveau n’est pas capable de faire plusieurs choses à la fois qui demandent de la concentration», affirme-t-elle. Le fils et la femme de Romain Poirot ont perdu la vie dans un accident de voiture en 2019 alors que cette dernière rédigeait un mail au volant. «Ça, c’est une arme», scande le veuf en brandissant son téléphone avant l’exercice de simulation. Ce professionnel du sport a créé l’association Stef Cares, en hommage à son fils Stefan et pour «sensibiliser tous les conducteurs aux risques du téléphone en voiture», raconte-t-il devant un écran interactif, qui lui permet de tester le temps de réaction avec et sans conversation par SMS.