Sous le feu des critiques, le président du groupe informatique Atos, Bertrand Meunier, a démissionné, et le projet contesté de cession au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, bien que maintenu, est reporté au «début du 2T 2024». Vivement critiquée par des actionnaires et des politiques, la stratégie de scinder Atos en 2 branches, dont l’une cédée à M. Kretinsky, a finalement coûté la tête de Bertrand Meunier. Pour autant, elle reste «la meilleure des solutions disponibles», ont assuré les dirigeants du groupe. «L’opération envisagée constitue la voie la plus réalisable pour la réalisation de la séparation de Tech Foundations (qui regroupe les activités historiques d’infogérance, soit la maintenance des parcs informatiques, ndlr) et d’Eviden (cybersécurité, supercalculateurs et «cloud», ndlr) et pour améliorer le profil de risque du groupe», indique Atos. En revanche, le calendrier est retardé. «L’AG des actionnaires et la réalisation de l’opération globale sont désormais attendues pour le début du 2T 2024, compte tenu du calendrier prévu pour l’obtention des autorisations réglementaires», précise le groupe. Depuis samedi, M. Meunier a été remplacé par Jean-Pierre Mustier, un ancien cadre dirigeant des banques Société Générale et Unicredit. «Si l’opération avec EPEI (le groupe de M. Kretinsky) n’a pas lieu, le groupe devra accéder aux marchés de capitaux (dettes et actions) et/ou envisager la vente d’actifs supplémentaires» pour «faire face aux échéances de la dette en 2025», ajoute Atos. Il précise être en train de renégocier «certains paramètres» avec M. Kretinsky pour «simplifier» le projet de cession, sans autre détail. Jusqu’ici administrateur indépendant d’Atos, Jean-Pierre Mustier s’est engagé à «poursuivre la transformation du groupe dans l’intérêt de toutes ses parties prenantes». La cession de Tech Foundations doit s’accompagner d’une augmentation de capital d’Atos de 900 millions d’euros, dont 180 millions d’euros réservés au groupe de M. Kretinsky. Ces derniers mois, Bertrand Meunier était la cible de critiques nourries de la part de petits actionnaires et d’élus. Ils s’opposent à la scission du groupe ainsi qu’à la cession de la branche Tech Foundations à M. Kretinsky. Ils critiquent aussi son entrée dans le capital de la branche Eviden. Deux actionnaires minoritaires, les fonds Alix AM et CIAM, ont déposé plainte devant le parquet national financier (PNF), le 1er pour corruption active et passive, le 2nd pour «informations fausses ou trompeuses». D’autres, réunis dans l’Union des actionnaires d’Atos constructifs, préparent un «plan stratégique alternatif» sans cession. La contestation a pris un tour politique: en août, 82 parlementaires LR ont appelé à maintenir Atos «sous le giron français», notamment car sa branche spécialisée dans les supercalculateurs est indispensable aux simulations d’essais nucléaires et à la dissuasion. «Même si l’opération était menée à son terme, elle n’aurait aucune incidence en termes de contrôle ou de droit de blocage sur les activités sensibles», avait répliqué la Première ministre, Elisabeth Borne, fin septembre. Cette saga est une nouvelle illustration spectaculaire des ambitions de Daniel Kretinsky en France, où cet homme d’affaires de 48 ans investit massivement dans plusieurs secteurs depuis 2018. Il a d’abord pris pied dans les médias: via son groupe CMI France, filiale de Czech Media Invest (CMI), il contrôle Marianne, Elle, Franc Tireur, Télé 7 Jours, France Dimanche, Ici Paris et Public (en cours de cession). Il a également renfloué Libération, sans en devenir actionnaire. En septembre, il a en revanche cédé toutes ses parts dans le groupe Le Monde à un autre milliardaire, Xavier Niel. Le Tchèque est par ailleurs en train de racheter le groupe d’édition Editis au géant des médias Vivendi. Dans la distribution, il a conclu cet été un accord pour prendre le contrôle du groupe Casino (qui comprend aussi Monoprix, Franprix, Naturalia et CDiscount), et est le premier actionnaire du groupe Fnac Darty.