Un an après son arrivée à la tête de Radio France, Sibyle Veil a annoncé un plan de transformation qui prévoit de supprimer sur 3 ans autour de 300 postes sur 4.600 salariés, déclenchant aussitôt de vives protestations dans les rangs des syndicats. Le groupe compte réaliser 60 millions d’euros d’économies d’ici 2022, pour répondre à la baisse de la contribution de l’Etat (moins 20 millions d’euros sur 4 ans), anticiper une hausse des charges de personnel et investir davantage dans le numérique, alors qu’il veut devenir la plateforme de référence de l’audio en France en 2022. «Nous prévoyons 270 à 390 départs volontaires sur 3 ans», a indiqué la DRH du groupe Catherine Chavanier. La direction prévoit en parallèle une cinquantaine de recrutements «pour des nouveaux métiers», tout en «donnant la priorité aux compétences internes», notamment à travers un effort de formation. 25 millions d’euros d’investissement dans des «outils de production», pour «automatiser» certaines tâches, devraient permettre de «réguler beaucoup mieux la charge de travail», a souligné la DRH. Pour rester dans la fourchette basse, la direction demande une réorganisation du temps de travail pour rendre les salariés plus polyvalents, et la suppression de 7 à 12 jours de congés par salarié pour éviter le recours aux CDD. Une proposition qualifiée de «chantage» par le syndicat SNJ, alors que le groupe affiche d’excellentes audiences et qu’il prévoit de rester à l’équilibre financier pour la deuxième année consécutive. «270 postes, c’est le nombre d’emplois que Radio France a déjà supprimé durant la présidence (Mathieu) Gallet», le prédécesseur de Sibyle Veil, condamne le syndicat dans un communiqué. «300 ou 400 postes de plus ça rend juste impossible de continuer de faire de la radio. (…) Nous serons juste prêts à nous faire désosser par la future loi audiovisuelle». «Ce n’est pas de la «rigueur» mais de la remise en question de l’existence même de Radio France. Ce n’est pas «un accord de méthode» mais un projet d’enchères descendantes sur le cadre social», a tweeté la CFDT. Mathieu Gallet avait affronté une grève historique en 2015 en annonçant, un an après son arrivée, des restrictions budgétaires et des réductions d’effectifs. La direction a ouvert jeudi de premières négociations avec les syndicats; l’idée est d’arriver à un accord avant la fin de l’année, alors que le groupe doit négocier avec l’Etat son contrat d’objectifs pour la période 2019-2023. «Ce plan», a expliqué Sibyle Veil sur Franceinfo, «c’est un projet qui doit nous permettre de répondre à cette contrainte financière, mais c’est aussi un projet de développement ambitieux pour le service public (..) C’est la raison pour laquelle on mobilise 20 millions d’euros que l’on veut redéployer pour préparer l’avenir». La présidente de Radio France insiste depuis plusieurs semaines sur le fait que ces solutions permettront d’éviter de futurs déficits et de préserver les 7 radios du groupe et ses 4 formations musicales. Chaque antenne est cependant priée de faire des efforts et les orchestres devraient être «redimensionnés», selon la direction. Radio France n’est pas le seul groupe de l’audiovisuel public à devoir se transformer. De l’autre côté de la Seine, France TV veut supprimer jusqu’à 900 postes nets d’ici 2022 (sur environ 9.600 salariés fin 2018), et va devoir supprimer deux de ses chaînes sur décision du gouvernement (France Ô et France 4). La Maison ronde répond aussi en partie à la Cour des comptes, qui l’appelait en février à se réformer pour sortir d’une situation financière «inquiétante». «Si on ne change rien», a poursuivi Sibyle Veil sur franceinfo, «on sera en déficit de 40 millions d’euros en 2022». Le député communiste André Chassaigne, s’interrogeant sur «la capacité future de Radio France à remplir pleinement ses missions de service public», a demandé jeudi l’ouverture d’un débat à l’Assemblée «sur l’avenir» du groupe.