Multiplication des anglicismes, mauvaises liaisons entre les mots, fautes d’accord et de grammaire, confusion entre les locutions: animateurs et journalistes des radios et des télévisions ont quelquefois tendance à oublier le bon usage de la langue française. «La radio et la télévision ont un rôle normatif en matière de français. Les Français apprennent la langue presque autant à la radio et à la télévision qu’à l’école», explique Patrice Gélinet, conseiller en charge du respect de la langue française dans les médias au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). «Les journalistes, qu’ils le veuillent ou non, influencent le bon ou mauvais usage de la langue», ajoute-t-il. Dans sa dernière publication sur le sujet, le CSA a mis en avant deux incorrections fréquentes sur les antennes. Il s’agit de l’accord du substantif «personne» au masculin et la confusion entre les locutions «près de» et «prêt à». Quelques exemples d’incorrections détectées dans des journaux télévisés: «5.000 personnes sont morts», «plus de cent personnes étaient présents». Concernant «près de» et «prêt à», le CSA rappelle: «quand elle indique la proximité dans le temps et devient synonyme de «sur le point de», la locution «près de» est confondue avec «prêt à» qui signifie «disposé à, ayant l’intention de, apprêté pour»». Or téléspectateurs et auditeurs entendent les erreurs suivantes: «La situation n’est pas prête de changer», «la pluie n’est pas prête de s’arrêter» ou «à quelques exceptions prêtes». «Nous sommes parfaitement conscients du fait que la langue française n’est pas une langue morte, qu’elle peut et doit évoluer. Elle peut intégrer des mots qui viennent de la langue populaire et régionale, et même de l’étranger», souligne M. Gélinet. «Nous sommes indulgents parce que la nature même de la communication audiovisuelle impose souvent des directs», ajoute-t-il. Mauvaises liaisons (un «z» qui apparaît entre «quatorze» et «enfants» ou le «t» qui disparaît entre «cent» et «euros»), erreurs de prononciation («gageure» qui n’est pas prononcé «gajure»), multiplication des pléonasmes («au jour d’aujourd’hui»), la liste d’exemples où journalistes et animateurs estropiant la langue française est longue. Le CSA n’a de cesse de rappeler que «la plupart de» joue le rôle de pronom indéfini pluriel. «On doit donc dire «la plupart des gens le savent» et non comme on l’entend souvent «la plupart des gens le sait»». Mais «dans l’ensemble, les journalistes respectent bien la langue. Ce dont se plaignent le plus les auditeurs et les téléspectateurs, c’est de l’abus de l’anglicisme», lié au «snobisme qui consiste à considérer que parler anglais fait plus vendre et est plus à la mode». «Je ne vois pas quel est l’intérêt d’utiliser des mots anglais alors qu’on a des équivalents en français, s’insurge M. Gélinet. Pourquoi est-ce qu’on dit «challenge» pour défi? A la radio et TV, on entend constamment «live» pour direct. Je vois apparaître le mot «morning» pour les tranches horaires du matin des radios, au lieu de matinale». Sans parler des «talk-shows» pour les débat télévisés, «coachs» pour entraîneurs, «mails» pour courriels ou «podcasts» pour baladodiffusion. «Avec le temps, on finit par arriver à réduire l’utilisation des anglicismes. Le français redevient l’usage courant. Mais ça ne se fait pas du jour au lendemain», relève M. Gélinet. Il donne l’exemple du mot ordinateur, qui a fini par remplacer «computer». Le CSA prévoit d’organiser mi-2013 un colloque sur la langue française, pour un état des lieux et faire en sorte qu’elle soit mieux respectée.