Des risques psychosociaux ont été repérés à France Télécom dès le début des années 2000, bien avant la période 2007-2010 au coeur du procès de l’entreprise et de ses ex-dirigeants pour «harcèlement moral», selon plusieurs documents débattus lundi au tribunal.
Le procès est entré dans sa deuxième semaine, avec au programme jusqu’à mardi les années 2002-2005, quand France Télécom, privatisée en 2004, était en pleine transformation. Trois des prévenus, Didier Lombard, Louis-Pierre Wenes et Olivier Barberot sont entrés dans l’entreprise en 2003. Ces trois hommes, devenus respectivement PDG, numéro 2 et DRH de l’entreprise, comparaissent pour «harcèlement moral», dix ans après une vague de suicides de salariés.
Le 17 avril 2001 circulait en interne un document intitulé «Quel accompagnement RH (ressources humaines) dans la conduite des changements d’organisation ?» «Le manager est le premier responsable du soutien et de l’accompagnement de ses collaborateurs», indique le texte de onze pages, dont les trois prévenus affirment ne pas avoir eu connaissance.
En mars 2004, un autre document, venant de l’Institut des métiers de France Télécom qui regroupait direction et organisations syndicales, était diffusé: «Les situations d’exclusion interne. Repères pour agir». Y sont identifiés les «salariés à risque»: ceux en situation de faible employabilité, les salariés compétents en sous-activité, les salariés marginalisés par une gestion insuffisante des conflits.
«Dans tous les changements, les salariés vont d’abord avoir l’impression d’y perdre plus qu’ils n’y gagnent», indique le texte, qui détaille les risques de perte d’identité, de contrôle, de compréhension de ce qui arrive, du sentiment d’appartenance. «On voit que les risque psychosociaux sont bien identifiés», a souligné la présidente à l’audience. «Le document dit : «Danger, restructuration = risque psychosociaux», résume-t-elle.
Là encore, les trois prévenus affirment ne pas se souvenir du document, déclenchant des protestations dans la salle. Mais une autre prévenue, Brigitte Dumont, jugée pour «complicité de harcèlement moral», a elle un souvenir précis du texte, conclusion «de travaux réalisés sur plusieurs mois». «Ce guide donne des solutions, des recommandations pour ne pas avoir des gens en situation d’exclusion», explique-t-elle.
«Est-ce que vous considérez que la restructuration, les déménagements ne sont pas source de risque?», demande la présidente aux trois ex-dirigeants. «Evidemment. C’est vrai dans toutes les entreprises. (…) Vu de ma fenêtre, j’estimais qu’on avait fait beaucoup d’efforts», a répondu Didier Lombard.
Mais pour Fabienne Viala, représentante CGT au Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), «la direction n’a pas répondu à ses obligations». «Elle a dénié la situation parce qu’il fallait faire vite» pour restructurer l’entreprise.