Polanski : le cinéma français soupçonné de trop protéger le réalisateur

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La situation de Roman Polanski, visé par une nouvelle accusation de viol qu’il nie, embarrasse le cinéma français, régulièrement soupçonné de trop protéger le réalisateur multi-récompensé toujours poursuivi par la justice américaine. Depuis la publication vendredi du témoignage de la photographe Valentine Monnier, qui dit avoir été «rouée de coups» et violée par Roman Polanski en 1975 à l’âge de 18 ans, le milieu du cinéma est resté plutôt silencieux. Un contraste marquant avec les nombreux messages de soutien adressés la semaine dernière à l’actrice Adèle Haenel, qui a accusé le réalisateur Christophe Ruggia d’«attouchements» et de «harcèlement sexuel» quand elle était adolescente. Adèle Haenel est d’ailleurs l’une des seules figures du 7e Art à avoir apporté son «soutien» à Valentine Monnier, dont l’accusation, la 1ère portée par une Française, s’ajoute à celles d’autres femmes ces dernières années, toutes niées par le réalisateur. A deux jours de la sortie de «J’accuse», le film de Polanski sur l’Affaire Dreyfus – Grand prix du jury à la Mostra de Venise -, la gêne était palpable. Jean Dujardin, l’acteur principal, a annulé sa venue au 20H de TF1 dimanche. France Inter a annoncé qu’Emmanuelle Seigner, femme de Polanski qui joue dans le film, s’était aussi «décommandée» de l’émission «Boomerang» prévue mardi, tandis que «Pop pop pop» enregistrée avec Louis Garrel, autre acteur du film, n’a pas été diffusée lundi. L’émission d’Antoine de Caunes ayant été enregistrée en avance, France Inter a jugé «impossible» de la diffuser puisque «la question de cette nouvelle accusation n’était pas posée», a expliqué sur l’antenne la directrice de la radio publique Laurence Bloch.Pour autant, France Inter, partenaire du film, continuera à en faire la promotion, a-t-elle précisé. France 5 n’a pas non plus diffusée ce lundi l’émission «C à vous», enregistrée avec Louis Garrel. L’ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs), dont fait partie le cinéaste de 86 ans, a indiqué que s’ils «devaient trancher sur le statut de Roman Polanski, ils le feraient avec l’accord des cinéastes» membres. Mais aucun conseil d’administration n’est prévu «pour l’instant». Le réalisateur franco-polonais, oscarisé pour «Le Pianiste» – et récompensé par plusieurs César et une Palme d’or -, a toujours trouvé des soutiens en France depuis qu’il a fui les Etats-Unis en 1978, sous le coup de poursuites pour relations sexuelles illégales avec une mineure. Mais il fait face à une indignation grandissante des féministes. En 2017, elles avaient manifesté en France contre une rétrospective qui lui était consacrée à la Cinémathèque. La même année, il avait renoncé à présider les César. Le cinéaste avait cependant été soutenu par ces institutions – Alain Terzian justifiant son choix comme «indiscutable» – alors qu’aux États-Unis, l’Académie des Oscars a décidé de l’exclure. Dans sa tribune dans «Le Parisien», Valentine Monnier dénonce l’attitude d’un «inconditionnel cénacle d’intellectuels et d’artistes persistant à (…) soutenir» Roman Polanski malgré «de nombreuses autres accusations de viol» et malgré #MeToo. Catherine Deneuve, qui avait tourné avec lui dans «Répulsion», n’a ainsi jamais cessé de le soutenir, comme elle l’a fait à nouveau avant la Mostra, où la sélection de «J’accuse» avait indigné les féministes. Cet été, le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, a plaidé pour «faire une distinction très claire entre l’homme et l’artiste». Mais la présidente du jury Lucrecia Martel avait affirmé être «très gênée» par la sélection du film. Valentine Monnier s’interroge en outre sur le fait que le réalisateur bénéficie des aides publiques. Le ministère de la Culture a confirmé avoir reçu une lettre de la photographe à ce sujet, transmise par le cabinet de Brigitte Macron. Les services de Franck Riester l’ont fait suivre au CNC et à France Télévisions, le film étant coproduit par France 2 et France 3.