Philippe ALESSANDRI, Président du Syndicat des Producteurs de Films d’Animation
En plein Marché International du Film d’Animation 2018 à Annecy, le Syndicat des Producteurs de Films d’Animation a organisé une conférence le jeudi 14 juin, pour mettre en avant les risques de l’éventuelle suppression de France 4. L’occasion pour Média + de rencontrer Philippe ALESSANDRI, Président du Syndicat des Producteurs de Films d’Animation.
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Quel était l’objectif de votre conférence ?
Philippe ALESSANDRI
Jeudi matin, nous avons réaffirmé la nécessité absolue pour le service public de garder une offre hertzienne en journée dédiée aux enfants tout en réaffirmant note disponibilité pour travailler main dans la main sur une plateforme. Nous avons souligné le danger très grave que représente la stratégie alternative proposée par France Télévisions à la demande du gouvernement de faire migrer l’essentiel des programmes enfants sur une plateforme numérique alors que seulement 75% des foyers ont accès à internet, et pas souvent à haut débit. Les enfants préfèrent aller sur une chaîne qui leur est dédiée. Rajouter des cases jeunesse sur les autres chaînes du service public comme France 5 ne servira à rien.
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Êtes-vous entendu par France Télévisions ?
Philippe ALESSANDRI
Ils nous ont reçus et partagent notre constat. France Télévisions a même dévoilé que, selon Médiamétrie, 80% des enfants visionnent leur vidéo via la télévision, 10% le font en replay et seulement 10% le font via des plateformes numériques. En France, il y a 9 millions d’enfants de 9 à 14 ans, dont la moitié qui regardent France 4. Le gouvernement a fait une confusion entre le public enfant et le public jeune-adulte. Certes, le public jeune-adulte regarde majoritairement des vidéos via les plateformes sur internet mais pas les enfants. Le gouvernent a pris une décision trop rapide et non concertée sur la base d’informations erronées.
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Quels sont les risques de la suppression d’une chaîne comme France 4 ?
Philippe ALESSANDRI
En supprimant France 4, il y a un risque que le lien entre les enfants et le service public soit rompu. Le service public a déjà quasiment perdu les adolescents. Le second risque est que les créations françaises de l’animation soient beaucoup moins exposées.
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Gulli ne remplit-elle pas les fonctions d’une chaîne enfants ?
Philippe ALESSANDRI
Le service public a une approche différente de celle de Gulli. Le service public souhaite la diffusion de programmes intelligents et de découverte comme «Max et Maestro» dont je suis le distributeur international ou encore «Monsieur Loutre». Avec la suppression de France 4, Gulli aurait le monopole sur le segment des enfants, ce qui serait scandaleux. Nous avons commandé un sondage à OpinionWay et il en ressort que 76% des Français veulent conserver France 4 car c’est une chaîne pour enfants, gratuite et sans publicité.
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Enfin, comment se porte le marché de l’animation ?
Philippe ALESSANDRI
Très bien. Les films d’animation sortis en 2017 réalisent 31 millions d’entrées. Les films français correspondent à 9,3% de part de marché. Sur la période 2008-2017, les films d’animation français ont réalisé plus de la moitié (52,6%) de leurs entrées à l’étranger. De plus, les dépenses sur le territoire français sont en hausse et atteignent 225 milliards d’euros en 2017, soit 10% de plus par rapport à 2016. En Europe, le marché reste fort car tous les services publics continuent à invertir. En Italie, alors que l’investissement est normalement autour des 15 millions, le gouvernent a prévu d’augmenter à 20 millions. En France, le service public investit 30 millions d’’euros par an dans l’animation.