Niger : RSF craint «l’utilisation abusive» d’une loi réprimant la diffusion numérique de «données de nature à troubler l’ordre public»

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A picture taken on April 26, 2017 at the Agence France Presse (AFP) headquarters in Paris shows copies of the annual World Press Freedom Index of Reporters sans frontieres (RSF - Reporters without borders). RSF World Press Freedom Index warned of the "highly toxic" media-bashing of Trump's election campaign and Britain's Brexit referendum, and said the situation was at "a tipping point". (Photo by PHILIPPE LOPEZ / AFP)

L’ONG Reporters sans frontières (RSF) dit craindre «l’utilisation abusive» au Niger d’une loi réprimant la diffusion numérique de «données de nature à troubler l’ordre public» qui pourrait faire «emprisonner et censurer» des journalistes, dans un communiqué transmis mercredi.

Adoptée en 2019, cette loi a été durcie il y a une semaine par une ordonnance du général Abdourahamane Tiani, au pouvoir depuis un coup d’Etat en juillet 2023. Elle réprimait déjà «la diffusion» numérique «de données de nature à troubler l’ordre public», la «diffamation» et les «injures» commises par voie «électronique», mais le général Tiani a rétabli des peines de prisons, supprimées par le pouvoir civil en 2022, qui les avait remplacées par des amendes.

L’organisation RSF «alerte sur la possibilité d’une utilisation abusive de cette législation pour emprisonner et censurer les journalistes exerçant en ligne et demande son abrogation». Selon l’ONG, la loi «permettra d’attaquer un journaliste comme un simple citoyen à partir du moment où ce qu’il dit est publié en ligne». Elle ajoute que «la diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine sera punie «même lorsque les données produites et diffusées sont avérées»». La loi modifiée par le général Tiani prévoit désormais une peine de prison de deux à cinq ans et une amende en cas de «diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine».

Elle prévoit également une peine d’emprisonnement de un à trois ans et une amende pour toute personne reconnue coupable de diffamation ou d’injures.

«Ces dispositions liberticides confirment un grave recul de la liberté de la presse et illustrent jusqu’où la junte est disposée à aller dans l’instrumentalisation du droit pour réprimer les médias», a déclaré le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF Sadibou Marong, cité dans le communiqué.

Idrissa Soumana Maiga, directeur de L’Enquêteur, plus important quotidien privé du Niger, «est détenu à la prison civile de Niamey depuis le 29 avril» et «poursuivi pour «atteinte à la défense nationale»», affirme RSF, suite à la publication d’un article sur l’installation présumée d’équipements russes sur des bâtiments officiels.

En septembre et octobre 2023, la journaliste nigérienne Samira Sabou a été interpellée et détenue au secret, avant d’être mise en liberté provisoire et inculpée notamment pour diffusion de données de nature à troubler l’ordre public. Le Niger est 80e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse fait en 2024 par RSF.