Le groupe Altice (SFR, BFM, RMC, «Libération») souhaite prendre le contrôle de 60% de la startup Molotov, afin de développer la principale plateforme française de TV en ligne et diffuser l’offre numérique de ses chaînes, alors que des concurrents préparent leur riposte. Le groupe de Patrick Drahi est entré en «négociations exclusives» pour une prise de contrôle de 60% du capital de Molotov, aux côtés de ses fondateurs et actionnaires historiques, qui ont aussi «remis des moyens» dans la startup, ont précisé à des journalistes Pierre Lescure et Jean-David Blanc, les cofondateurs de Molotov, et Alain Weill, PDG d’Altice France. Cet investissement d’Altice France, dont le montant n’a pas été révélé, devra selon eux donner à la plateforme française «les moyens de devenir un acteur majeur de l’OTT» (la TV accessible sur tous les supports) en France et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, au Portugal et en Israël où Altice est présent. En France, les utilisateurs de SFR devraient se voir proposer un accès un Molotov. De leur côté, les utilisateurs de Molotov pourraient bientôt se voir proposer des offres croisées avec les médias d’Altice France, dans le cadre de «synergies» qui restent à établir. RMC Sport, la nouvelle marque de contenus sportifs d’Altice, va notamment prendre «toute sa place dans Molotov», a expliqué Alain Weill. Lancé en 2016, Molotov veut devenir «un acteur majeur du digital», un «Spotify de la télé», selon Jean-David Blanc, qui avait auparavant créé le site Allociné. La plateforme, qui propose un accès gratuit à de nombreuses chaînes de télévision en direct comme en rattrapage (replay), revendique 7 millions d’utilisateurs. Elle compte notamment sur la vente de services, comme des abonnements à des bouquets de chaînes, pour se financer. Molotov avait jusqu’ici rassemblé plus de 30 millions d’euros auprès de plusieurs partenaires dont l’opérateur de sites d’antennes TDF, le groupe britannique de télévision Sky, le fonds Idinvest, les investisseurs Jacques-Antoine Granjon et de Marc Simoncini. «On cherchait depuis le début de l’aventure à s’adosser à quelqu’un avec des moyens importants», a souligné Jean-David Blanc. «On n’allait pas tenir très longtemps avec les moyens d’une startup si on voulait devenir un gros acteur de l’audiovisuel». «Pour développer Molotov, il fallait trouver un associé avec cette double culture des contenus et de la distribution», a poursuivi Pierre Lescure.
Avec cette alliance, Altice investit aussi dans une «plateforme technologique OTT remarquable, à la qualité reconnue», s’est félicité Alain Weill. Altice revendique de son côté 22 millions de clients en France. Le lancement prochain de Salto, la plateforme OTT commune de France Télévisions, TF1 et M6, risquait de mettre à mal le modèle de Molotov, et des rumeurs de rachat de la startup aux 70 salariés planaient depuis plusieurs mois. Plusieurs groupes de télévision, dont Altice, s’étaient par ailleurs opposés à Molotov, demandant une meilleure rémunération de leurs flux TV. Si Altice enterre aujourd’hui la hache de guerre, Molotov et Salto ne seront pas «concurrents», a souligné Alain Weill. «On peut imaginer que Salto», qui s’annonce comme un «éditeur», «sera distribué demain par Molotov, qui est un distributeur», veut croire le PDG d’Altice France. Jean-David Blanc a affirmé de son côté que Molotov resterait une plateforme «oecuménique», ouverte à tous les diffuseurs. L’arrivée de Salto pourrait selon lui «dynamiser le marché», comme l’a fait Netflix. Et «quasiment 100% des abonnés de Netflix utilisent Molotov», a-t-il souligné.