Casque sur les oreilles, 6 collégiens testent à Marseille les micros de la «Maison du podcast», structure inédite en France qui ouvre grand aux jeunes les portes d’un studio d’enregistrement professionnel, et celles, infinies, de l’imaginaire stimulé par l’audio. «On entend même une fourmi marcher, on est dans une bulle, ça fait trop bizarre», s’exclame Nizar, 15 ans, après avoir entendu sa voix, et celle de ses camarades, amplifiée par le micro directif. «On dirait trop Discord», renchérit un autre adolescent autour de la table d’enregistrement, en référence à la célèbre plateforme de forums de discussion, notamment plébiscitée par les amateurs de jeux vidéo. Mais contrairement à un chat audio en ligne, pas question ici de faire un quelconque bruit parasite quand un camarade parle: «On entend tout, le moindre frottement de feuille, un tapotement d’ongle. Avec un micro, le son est décuplé», les prévient Morgan Peyrot, l’ingénieur du son. Mettre «un studio radio de pro à disposition du grand public, c’est un truc qui fait toujours rêver: les gens sont émerveillés, ils ont l’impression d’avoir vécu une expérience», souligne Ambre Gaudet, créatrice de podcasts jeunesse qui a lancé en avril la Maison du podcast avec le groupe de médias jeunesse Unique Heritage Media (UHM). «L’idée, c’était d’avoir un lieu où on peut venir enregistrer et produire à plusieurs des podcasts parce que ça n’existait pas à Marseille» mais aussi de recevoir des scolaires, poursuit l’ex-journaliste radio. La grande «différence avec une émission radio, c’est que le podcast, tu l’écoutes quand tu veux, sur internet, sur les plateformes», la plupart du temps gratuitement, détaille-t-elle. Un format qui, en France, a pris de l’essor avec le confinement: «J’ai l’impression d’être dans la radio libre des années 1980, tout le monde a envie d’avoir son podcast», s’amuse Ambre Gaudet. Mais avec seulement 14% des internautes âgés de 16 à 64 ans écoutant des podcasts chaque semaine, la France est loin du Brésil ou de l’Indonésie, où les proportions atteignent respectivement près de 43% et plus de 40%, selon une étude du cabinet de mesure d’audience britannique GWI, menée en 2022. «Cela faisait longtemps que je voulais faire du podcast parce que ce n’est pas cher, c’est du numérique et c’est pluridisciplinaire: je peux travailler notamment avec les collègues de français», relève Vanessa Harounyan, professeure de technologie au collège Marseilleveyre. «Mon origine remonte aux périodes les plus meurtrières de l’Histoire, où je suis devenue emblématique de la Révolution et de ses idéaux»: dans le studio, Thomas, 14 ans, prête sa voix à une guillotine, méthode d’exécution adoptée pour «garantir une mort rapide et égalitaire pour tous les condamnés». Waël, 15 ans, donne lui vie au «symbole croustillant de la gastronomie française»: la baguette. «Je suis fière de sortir du four avec ma couleur dorée, mon parfum envoûtant et ma texture légère», déclame un peu gêné celui qui paraissait cabotin avant d’être devant le micro. «Tu as pris le TGV mais ce n’est pas grave», commente sa prof de technologie à la fin de la prestation. «Je te rappelle qu’elle devait donner envie, tu devais être plus théâtral», ajoute-t-elle. «Le fait de s’entendre au micro, de remarquer qu’ils ont parlé trop vite: cette prise de distance pour eux c’est hyper formateur», notamment pour préparer l’oral du brevet, poursuit-elle. Ralentir, articuler, adopter le ton juste, se tenir droit: les consignes sont égrenées par Caroline Guidon, la professeure de français qui a fait travailler les élèves sur la personnification d’un objet, à la manière du poète Francis Ponge. Là où «les écrans sont hyper restrictifs», selon Ambre Gaudet, «l’avantage de l’audio, c’est que tu imagines ce que tu veux à partir de ce que tu écoutes, donc les portes sont infinies».