L’UE s’intéresse aussi au cas Telegram

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L’UE pourrait renforcer prochainement les contraintes réglementaires s’appliquant à Telegram, indépendamment de la mise en examen en France de son patron Pavel Durov, soupçonné d’inaction contre la diffusion de contenus criminels sur la messagerie. Une nouvelle législation européenne, le règlement sur les services numériques (DSA), impose depuis février une série d’obligations à toutes les plateformes en ligne présentes dans l’UE pour mieux protéger les utilisateurs contre les contenus illégaux. Si elle ne s’applique pas aux activités de messagerie privée du type Signal ou WhatsApp, également fournies par Telegram, elle concerne cependant bien la partie «réseau social» de la plateforme, c’est-à-dire les groupes de discussion ouverts, accessibles à tous les utilisateurs. Le DSA impose aux plateformes de mettre en place un système de signalement des contenus problématiques et d’agir «promptement» pour retirer tout contenu illicite dès qu’elles en ont connaissance. Elles doivent en outre informer les autorités judiciaires dès qu’elles soupçonnent une «infraction pénale grave» menaçant «la vie ou la sécurité des personnes». Le patron de Telegram a été mis en examen mercredi à Paris pour de nombreuses infractions dont une complicité de délits et de crimes qui s’organisent sur la plateforme (trafic de stupéfiants, pédocriminalité, escroquerie et blanchiment en bande organisée) et le «refus de communiquer les informations nécessaires aux interceptions autorisées par la loi». Ces accusations apparaissent donc recouper certaines obligations du règlement européen. Interrogée sur l’enquête menée en France, la Commission européenne a cependant souligné la déconnexion entre les deux sujets. «Il n’appartient pas à la Commission de commenter une enquête nationale relevant du droit pénal national», a déclaré le porte-parole Thomas Regnier. «Les poursuites pénales ne font pas partie des sanctions potentielles en cas de violation du DSA», a-t-il rappelé. Le règlement européen prévoit en effet des sanctions seulement contre les entreprises, notamment sous la forme d’amendes. En cas de violations graves et répétées, les plateformes peuvent aussi se voir interdire toute activité en Europe. En outre, Telegram, dont le représentant légal pour l’Europe est basé à Bruxelles, tombe pour l’instant sous l’autorité du régulateur belge qui n’est pas encore pleinement opérationnel pour faire respecter le DSA ce qui a entraîné en juillet l’ouverture d’une procédure d’infraction de la Commission contre ce pays. En l’état actuel des choses, «la Commission n’est pas compétente sur d’éventuels manquements», souligne Thomas Regnier. Cela pourrait toutefois changer prochainement. L’exécutif européen est en effet responsable de la supervision des «très grandes plateformes en ligne», celles dont le nombre d’utilisateurs actifs dans l’UE dépasse 45 millions de personnes. La liste des acteurs concernés inclut pour l’instant 25 plateformes dont les réseaux sociaux X, TikTok, Facebook et Instagram. Telegram a déclaré en février 41 millions d’utilisateurs dans l’UE pour son activité relevant du DSA. Le groupe revendique 900 millions d’utilisateurs dans le monde pour l’ensemble de ses services. Mais, au mois d’août, la plateforme ne s’est pas conformée à son obligation de mettre à jour ce chiffre. Elle s’est contentée d’affirmer qu’elle recensait «nettement moins que 45 millions» d’utilisateurs dans l’UE. Le service scientifique de la Commission, le Centre commun de recherche (Joint Research Centre, JRC), mène actuellement des travaux pour calculer sa propre estimation. S’il aboutit à un chiffre supérieur à 45 millions, la Commission pourrait procéder unilatéralement à sa désignation comme «très grande plateforme». Outre une supervision directe par Bruxelles, elle se verrait alors imposer de nouvelles contraintes comme l’obligation de mener une analyse des risques liés à ses services.