Nouvelle impulsion pour la radio musicale du groupe Lagardère. En plus d’un repositionnement musical tourné vers la pop, Europe 2 propose pour la saison 2024-2025 une matinale revue et corrigée incarnée par Benjamin Castaldi. Quelle est la vision autour d’Europe 2, et comment s’inscrit-elle dans la dynamique du groupe ? Réponse avec Alain LIBERTY, Directeur général des Radios Musicales de Lagardère Radio.
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Quelle est votre nouvelle vision pour Europe 2 ?
ALAIN LIBERTY
Notre radio s’inscrit au cœur d’une offre globale avec une programmation musicale différente de ce qui existe actuellement sur le marché. Le repositionnement d’Europe 2, que nous avons affiné depuis fin juin, se concentre sur la pop au sens large. Nous voulions offrir quelque chose de frais et dynamique, destiné à un public jeune adulte. Cette approche nous distingue nettement de certains de nos concurrents, qui suivent des formats et des styles musicaux établis depuis longtemps. Dans le cadre de cette stratégie, il était essentiel de concevoir une nouvelle matinale en cohérence avec cette offre. Après avoir rencontré de nombreuses personnalités, nous avons réalisé que Benjamin Castaldi est un animateur très apprécié des Français, en particulier des Françaises dont la tranche d’âge correspond à notre cœur de cible.
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Une nouvelle matinale, après plusieurs tentatives ces dernières saisons…
ALAIN LIBERTY
La radio est un média vivant. La rencontre avec le public peut s’établir plus ou moins rapidement. Il ne vous aura pas échappé qu’Europe 2 est une marque nouvelle pour un certain nombre d’auditeurs, et historique pour d’autres. En relançant la radio, il a fallu la repositionner. À l’époque, une réflexion a été menée sur le format musical, mais les résultats de l’année dernière n’ont pas été à la hauteur de nos attentes. Les équipes n’ont pas démérité mais il nous a semblé évident de changer. Notre postulat a été de s’orienter vers une radio pop, c’est-à-dire dans l’air du temps, dynamique, fraîche à destination d’un public d’une quarantaine d’années, jeune dans sa tête et qui a grandi en écoutant des radios musicales. On a la chance d’avoir une vague de musique pop au niveau mondial. On n’oubliera pas de diffuser des grands classiques, mais jamais au-delà de 20 ans.
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Quelles mesures envisagez-vous pour renforcer la compétitivité d’Europe 2 ?
ALAIN LIBERTY
Il y a deux aspects essentiels : le travail sur le contenu et la pertinence de la relation avec l’auditeur. Beaucoup de radios sont très orientées vers un public adulte, avec des racines solidement ancrées dans le passé, tandis que d’autres, dites jeunes, diffusent une programmation musicale où 95% des titres sont presque éphémères, des tubes qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. En fin de compte, les jeunes-adultes n’ont pas de radio qui leur correspond vraiment. Voilà où se positionne Europe 2.
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Et face à la concurrence des plateformes de streaming musical ?
ALAIN LIBERTY
La radio est un métier d’artisanat, il est donc essentiel de se réinventer, de dialoguer avec les auditeurs et de prendre des risques. Un algorithme, après tout, n’est qu’une machine qui propose uniquement ce que vous consommez déjà, souvent sans véritable vision artistique, contrairement aux programmateurs musicaux en radio. Ces passionnés de musiques sont des professionnels avec un regard et une écoute très spécifique, qui donnent aujourd’hui aux radios une valeur ajoutée. De plus, il y a un manque de remise en question des règles et du cadre légal et réglementaire qui nous impose des obligations auxquelles les plateformes ne sont pas soumises. Aujourd’hui elles utilisent le mot «radio», diffusant principalement des playlists, ce qui crée une certaine confusion. Ces «radios» sont tout aussi facilement accessibles que les nôtres, notamment dans les voitures, mais elles ne sont soumises à aucune contrainte concernant les quotas de musique francophone ou la limitation du nombre d’écoutes par jour.
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Que faire alors ?
ALAIN LIBERTY
Je siège depuis plusieurs années au conseil professionnel du Centre national de la musique (CNM) et suis très attaché à la défense de l’identité musicale francophone, à la promotion des artistes et au soutien de cette force culturelle essentielle pour les médias français. Cependant, les règles actuelles concernant les quotas sont obsolètes et déconnectées de la réalité du paysage actuel. L’idée des quotas est née en 1993-94, à une époque où le mp3 faisait son apparition. Depuis, le monde a considérablement changé, mais nous, les radios, sommes toujours soumises aux mêmes contraintes, voire à un durcissement des règles, notamment avec le plafond des rotations. Lorsque nous avons un gros succès francophone, nous ne pouvons pas le diffuser plus d’un certain nombre de fois par jour. Ces règles éloignent les auditeurs de leur radio. Les premiers à en souffrir sont les artistes eux-mêmes. Il est urgent que tous les acteurs de la musique — les patrons de radio, les programmateurs, les représentants des artistes, les ayants droit — se réunissent avec l’Arcom pour trouver des solutions. L’objectif n’est pas de remettre en cause le principe des quotas, mais de réviser certaines modalités qui sont devenues contre-productives.
MEDIA +
Prévoyez-vous de renforcer vos contenus à la demande ?
ALAIN LIBERTY
Absolument ! Ces dernières années, nous n’avons peut-être pas suffisamment pris en compte les changements dans les habitudes de consommation sur les radios musicales. Il est crucial que nous nous concentrions davantage sur la notion de replay. Nos émissions doivent être accessibles de manière plus simple et fluide, que ce soit pour la musique ou pour tous les autres contenus spécifiques comme nos flashs d’info en région. Europe 2 est présente partout en France, avec des décrochages locaux grâce à une trentaine de bureaux et des journalistes-animateurs. Cela signifie que chaque jour, nous produisons des centaines d’heures de programmes locaux variés. Nous allons renforcer leur visibilité.
MEDIA +
Avez-vous des priorités ?
ALAIN LIBERTY
Oui, nous nous engageons pleinement dans une logique d’hyper-distribution, en renforçant et en améliorant la manière dont nos radios sont présentées. En parallèle, nous réfléchissons sérieusement à l’expérience de l’auditeur. Par exemple, si un auditeur manque sa chronique préférée de cinq minutes, il doit pouvoir remonter le curseur d’écoute pour ne rien manquer. Nous prévoyons de lancer un nouveau site internet et une nouvelle application, tant pour Europe 2 que pour RFM, début 2025.