L’un a cofondé Libération en 1973, l’autre le dirige actuellement : aux deux bouts de ce demi-siècle d’existence, Serge July et Dov Alfon racontent leur «joie» de fêter le cinquantième anniversaire du quotidien de gauche. «Libération est l’enfant de 68. Je ne faisais pas de projet au-delà des années 70, on ne voyait pas très bien ce qu’il y avait derrière, à quoi ressemblerait le monde», se souvient Serge July. Fixé au 18 avril, cet anniversaire est marqué par la sortie d’un hors-série, «50 ans, 50 combats». Ce cinquantenaire fait souffler «un grand vent d’optimisme et de joie», renchérit Dov Alfon, en soulignant la bonne passe actuelle du journal. Avec 96.500 exemplaires vendus en moyenne chaque jour, Libé, qui a redonné une plus grande part aux enquêtes, revendique la plus forte progression des quotidiens nationaux en 2022 (+6,86%). July, 80 ans, fait partie de ses cofondateurs, avec le philosophe Jean-Paul Sartre, et en a été l’emblématique directeur de 1974 à 2006. Alfon, 62 ans, a été nommé à ce poste en 2020 («un très bon choix», salue son illustre prédécesseur), après avoir longtemps travaillé pour le journal israélien Haaretz.
Crises : Entre changements d’actionnaires et baisse des ventes, «Libération a traversé beaucoup de crises, a été menacé plus d’une fois d’une fin de parution», rappelle son directeur actuel. «Au fil des années, on pouvait se demander s’il fêterait son 50e anniversaire». Poussé dehors en 2006 par l’actionnaire de l’époque, Edouard de Rothschild, July juge aujourd’hui les crises internes «secondaires». «On a plutôt traversé des crises de la presse, avec des révolutions aussi importantes que l’invention de l’imprimerie», estime-t-il, en citant le basculement du papier vers le numérique. Reste-t-il des points communs entre le Libé d’hier, issu de la contre-culture, et celui d’aujourd’hui? Pour Alfon, il demeure «le journal le mieux écrit de France»: «Serge l’avait inventé comme ça». Son aîné, lui, souligne que «le sociétal et le culturel restent la structure sur laquelle repose le journal». C’est lui qui a fait prendre cette inflexion à Libé en 1981, en «rompant avec le gauchisme» des débuts. A l’époque, pour «opérer cette transformation», le quotidien avait cessé de paraître pendant trois mois. «C’était très violent», se rappelle July.
Engueulades : Depuis son origine, Libé a aussi la réputation d’être une rédaction où l’on s’engueule beaucoup. Vrai ou faux? «Il y a quelques histoires célèbres, une machine à écrire qui vole, une table renversée. Mais c’est exagéré, aussi bien pour les premières années que pour aujourd’hui», assure Alfon, un sourire dans la voix. Pour autant, «les débats peuvent être vifs», concède-t-il.