Les radios associatives françaises défendent leur mission sociale face aux menaces budgétaires 

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Ouvrant leurs micros à des jeunes en décrochage, à des retraités isolés ou à des acteurs locaux méconnus, les radios associatives, qui viennent d’échapper à un coup de rabot budgétaire, défendent plus que jamais leur «mission de lien social». «On donne la parole à ceux qui ne l’ont jamais», résume Isabelle Vitté, présidente de RLP (Radios libres en Périgord), qui émet depuis Coulounieix-Chamiers, en périphérie de Périgueux. Lunettes vissées au visage, cette ancienne journaliste de 64 ans consacre bénévolement son temps à veiller au bon fonctionnement de cette radio associative lancée en 2013. À l’antenne, des portraits des «gens du cru», des reportages dans des recoins cachés en Dordogne, des chroniques littéraires ou encore une émission, «Découvertes musicales», consacrées aux nouveaux artistes locaux. «Les petits groupes de musique, une troupe de théâtre installée dans un village… Qui va parler d’eux à part nous ?», s’interroge Mme Vitté, défendant la «mission de lien social» des radios de proximité. Outre la programmation éclectique animée par une quarantaine de bénévoles, la petite équipe qui compte trois salariés attache beaucoup d’importance à l’animation d’ateliers radio. «L’éducation aux médias, c’est dans notre ADN», affirme la présidente, soulignant que RLP noue beaucoup de partenariats avec des établissements situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. 

«Parole libre» : Ces ateliers sont aussi l’occasion de rencontrer ceux «qui n’ont pas, ou peu, la chance de s’exprimer ou d’être écoutés», estime Emilie Charbonnet, l’une des trois CDI de RLP, engagée après un service civique. «Je me souviens d’une séance animée avec une association s’occupant de jeunes ayant lâché l’école, ils ont parlé de rap, des choses qui se passent dans leurs quartiers. Ici, leur parole était libre», souligne la jeune femme de 23 ans. En France, il existe quelque 750 radios associatives, héritières des «radios libres» ou «pirates» des années 1970 qui revendiquaient la liberté d’expression et la fin du monopole de l’État. Fonctionnant en grande partie grâce au bénévolat, elles avaient dénoncé mi-octobre un «coup de guillotine» face au projet de loi de finances (PLF) 2025. Il prévoyait de baisser de 10 millions d’euros le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), qui représente environ 40% de leurs ressources. Alloué en fonction du chiffre d’affaires, il sert souvent à payer un salarié chargé de faire rentrer de l’argent en réalisant des prestations payantes. La coupe envisagée dans le FSER aurait eu «un effet boule de neige» pour les radios en faisant disparaître des emplois essentiels à leur survie. Après une importante mobilisation syndicale et une pétition adressée au ministère de la Culture, le gouvernement a fait marche arrière cette semaine, reconduisant les crédits alloués en 2024 pour permettre de «continuer à assurer ce lien de proximité», a justifié le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin.