Les câbles sous-marins, des infrastructures hautement stratégiques

Les câbles sous-marins, brins de fibre optique assurant le transport des données et communications internet, sont de véritables autoroutes numériques mondiales. Hautement stratégiques, ces infrastructures sont régulièrement endommagées, comme dimanche et lundi en mer Baltique, provoquant l’ouverture d’enquêtes en Suède et en Finlande pour «sabotage». Ce réseau de télécommunications transmet d’un continent à l’autre une immense quantité de données de nature différente, allant des «vidéos en «streaming»», aux «transactions financières», des «communications diplomatiques» ou encore des éléments de «renseignement», détaille dans un récent rapport le groupe de réflexion américain Center for Strategic and International Studies (CSIS). Ces câbles sous-marins permettent de transporter «énormément d’informations, notamment beaucoup plus que les satellites d’Elon Musk, Space X», souligne le contre-amiral français Eric Lavault. Au moyen de la fibre optique, «98% des données numériques mondiales» transitent par ces canaux, fait-il valoir. Serpentant sous les mers, les quelque 450 câbles sous-marins actuellement installés dans le monde s’étendent sur environ «1,2 million de kilomètres», ajoute le CSIS. Dépourvus d’accès à ces câbles sous-marins, l’Érythrée, la Corée du Nord ou encore l’Antarctique font partie des rares zones du globe à être encore déconnectées du reste de la planète. Installations hautement stratégiques, les câbles sous-marins sont «construits, détenus, exploités et entretenus» principalement par des «entreprises du secteur privé», précise le «think tank» américain CSIS. Ainsi, en 2021, la société américaine SubCom, la société française Alcatel Submarine Networks (ASN) et la société japonaise Nippon Electric Company (NEC) «détenaient collectivement une part de marché de 87%», selon son rapport. La société chinoise HMN Technologies «détient les 11% restant». Les géants du numériques (GAFAM) «développent aussi leur propres câbles», note par ailleurs le contre-amiral français, qui voit dans ces infrastructures un «enjeu énorme en matière économique». Autre enjeu de taille: «le développement de l’IA, qui ne se nourrit que grâce à la donnée qu’on lui fait ingurgiter», ajoute-t-il. Les incidents sur les câbles sous-marins sont «très réguliers», explique Eric Lavault. En cause: éboulements sous-marins, tsunamis, mais aussi passage de bateaux qui «jettent leurs ancres là où il ne faudrait pas». «Dans 80% des cas, les avaries de câbles sont involontaires», assure-t-il. Infrastructures sensibles, ces tuyaux peuvent cependant faire l’objet de sabotages et de tentatives d’espionnage. «Nous savons que ces câbles sous-marins peuvent aussi être la cible de nations, tentées de surveiller ou de dégrader ces infrastructures sous-marines sensibles situées dans les fonds marins», déclarait ainsi en 2022 l’ancienne ministre française des Armées, Florence Parly. Selon des informations de la presse danoise, les États-Unis se seraient par exemple servi de 2012 à 2014 du réseau de câbles sous-marins danois pour écouter des personnalités de 4 pays (Allemagne, Suède, Norvège, France). L’importance stratégique des câbles sous-marins n’a pas non plus «échappé à la Russie, qui considère ces infrastructures comme un point de levier essentiel contre la sécurité des nations occidentales», pointe le rapport du CSIS. Le navire militaire océanographique russe Yantar a d’ailleurs été repéré à plusieurs reprises au large de l’Irlande, ces dernières années, à proximité de câbles sous-marins transatlantiques de télécommunications.  «La data est aujourd’hui une denrée extrêmement importante», complète l’amiral Eric Lavault, estimant qu’on s’attaque désormais «à de nouveaux intérêts vitaux, comme internet, qui ont un impact direct sur la société civile et l’économie».