L’enjeu pour les chaînes télé, plateformes et réseaux, capter l’attention

Les Français regardent en moyenne 4 heures et 40’ de contenus vidéo par jour, voire plus de 5 heures pour les 15-24 ans, selon les chiffres de l’Arcom. L’enjeu pour les chaînes de télévision traditionnelles, les plateformes et les réseaux sociaux est de capter leur attention. Est-ce la nouvelle course au «temps de cerveau disponible», pour reprendre les mots en 2004 de Patrick Le Lay, alors patron de TF1? Vingt ans après, le paysage a fortement évolué mais l’enjeu semble rester le même. Face à l’actuelle «hyperabondance des contenus», «l’attention est très fragmentée, on a du mal à capter l’attention des téléspectateurs et des spectateurs très longtemps», constate Hélène Etzi, à la tête de Disney France. Passé une sorte d’«eldorado» pour les productions sur les 20 dernières années, il y en a désormais davantage «que le marché et les spectateurs ne peuvent absorber», convient-elle. Les investissements ont d’ailleurs décéléré: après une croissance à 2 chiffres en 2021 et 2022, les dépenses pour les créations originales en Europe ont augmenté de 8% en 2023, à 22 milliards d’euros, d’après l’Observatoire européen de l’audiovisuel. Le service de streaming Disney+ a été lancé sur le marché hexagonal en 2020. «Il vaut mieux privilégier la qualité à la quantité» de programmes proposés pour «arriver à surprendre, garder, convaincre», a assuré Hélène Etzi lors du récent festival Séries Mania à Lille. Le régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom, a donné la semaine dernière la traduction chiffrée de cette féroce compétition. En 2024, sur les 5h21 passées par les 15-24 ans en une journée devant des vidéos, 2 heures ont été dévolues aux réseaux sociaux, une heure à la télévision gratuite en direct et une heure aux vidéos à la demande par abonnement comme Disney+, Netflix et Prime Video. En outre, près d’une heure est dédiée aux plateformes comme YouTube. L’autre catégorie d’âge la plus consommatrice de vidéos est formée des 65 ans et plus, qui y consacrent près de 5 heures, dont 3h30 devant la télé en direct. La transition entre ces usages – ou plutôt leur substitution – est extrêmement rapide. Les chaînes traditionnelles se sont elles-mêmes converties ces dernières années au mode de la plateforme (TF1+, M6+…) pour permettre un visionnage à la demande, avant ou après la diffusion «linéaire» (en direct). Le groupe public France Télévisions vient de connaître ainsi un tournant avec sa série thriller «Rivages», davantage regardée à la demande qu’en direct. France.tv est «la 1ère plateforme française gratuite», avec 36 millions de visiteurs uniques chaque mois depuis janvier, se félicite sa présidente Delphine Ernotte Cunci. Elle a annoncé fin mars la disparition des logos de France 2, France 3, France 4 et France 5 à partir du 6 juin, au profit de la «marque unique» france.tv. Car «l’enjeu, pour nous, c’est comment on arrive à émerger dans ces environnements hyper concurrentiels et comment on est repérés», a-t-elle expliqué. La télé privée n’est pas en reste. A la tête de TF1, Rodolphe Belmer est même persuadé que «l’audiovisuel est en train de connaître un nouvel âge d’or», les programmes de fictions, séries, divertissement et d’information étant recherchés. Il existe «une concurrence pour le temps de divertissement des Français entre YouTube, qui diffuse des programmes à valeur de production assez faible, et des acteurs comme nous, qui essayons de nous ériger comme alternative premium», a affirmé le PDG à Séries Mania. Les plateformes sont un nouveau relais de croissance pour les chaînes, les annonceurs étant intéressés par l’impact de leurs publicités sur des téléspectateurs dits «engagés», ainsi que par les données collectées sur leur profil en ligne. Le bouleversement en cours est aussi technologique. Les «Smart TV» avec connexion et applis intégrées se répandent, et avec elles la consommation massive à la demande.