Le pionnier du cinéma Georges Méliès a désormais son musée

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Steven Spielberg et George Lucas n’étaient pas nés qu’il filmait déjà des extraterrestres et inventait les effets spéciaux: le pionnier du cinéma Georges Méliès a désormais son musée, à la Cinémathèque française. 

Au pays des frères Lumière, inventeurs du cinématographe, c’est le parcours hors-norme d’un de leurs contemporains que l’institution parisienne a choisi pour revisiter l’histoire du 7e art. 

Plus de 80 ans après sa mort, ce touche-à-tout de génie reste «une référence absolue pour les cinéastes», et «le personnage le plus merveilleux des débuts du cinéma», explique Laurent Mannoni, directeur scientifique de la Cinémathèque. Ce grand amoureux de Méliès a collecté les hommages des figures du cinéma contemporain : «un génie et un grand magicien» pour Martin Scorsese, qui lui a consacré un film («Hugo Cabret», 2011), une «source d’inspiration formidable» pour Christopher Nolan, «le père» de tous les effets spéciaux pour George Lucas, venu spécialement à la Cinémathèque pour voir la caméra du maître. 

Si Méliès fascine, c’est que ce fils d’un fabricant de chaussures, né en 1861 et passionné par les spectacles de magie, est le 1er à utiliser le cinéma comme «machine à faire rêver», captivant son public avec des films féériques, burlesques ou effrayant, relève M. Mannoni. Avec lui, la fantaisie du «Voyage dans la Lune» (1902) éclipse la froide réalité de l’«Arrivée du train en gare de la Ciotat» (1896, les frères Lumière) : «La réalité, ça ne l’intéresse pas», résume-t-il. Pour expliquer l’empreinte que cet artisan génial et foutraque a pu laisser sur le cinéma, le musée Méliès présente des centaines de pièces: appareils de projection anciens, maquettes des premiers studios de cinéma (il a inventé le tout premier à Montreuil, en banlieue parisienne), films rares… La plupart sont issues de fonds uniques: celui constitué par le fondateur de la Cinémathèque, Henri Langlois, et celui acquis en 2004 auprès de la petite-fille du cinéaste. Bricoleur hors pair, grand utilisateur de trappes, trompe-l’oeil (il filme à travers un aquarium rempli de poissons pour simuler les fonds marins !), arrêts de caméras et surimpressions, Georges Méliès était «l’artisan total de ses propres productions», rappelle Laurent Mannoni. Il réalisera au total quelque 500 films, et a joué dans nombre d’entre eux. Mais seule la moitié a pu être reconstituée : Méliès, qui a connu la gloire puis la chute, terminant en vendeur anonyme de jouets dans un couloir de la gare Montparnasse, a été contraint de vendre au poids le celluloïd de ses films pour se maintenir à flot. 

Aujourd’hui encore, certains trucages sont tellement astucieux ou perfectionnés que les spécialistes n’en ont pas percé tous les secrets. Mais le musée permet aux visiteurs d’en décortiquer certains, comme dans «L’homme à la tête de caoutchouc», qui gonfle jusqu’à exploser, grâce aux effets de perspective. Une salle entière est bien entendu consacrée au «Voyage dans la Lune», le chef-d’oeuvre de Méliès, avec la reconstitution d’un costume de Sélénite, ces habitants du satellite présents dans le film. L’exposition est également l’occasion d’aborder d’autres aspects plus intimes ou méconnus de ce pionnier, à qui l’on doit le tout premier film d’horreur, «Le Manoir Du Diable» (1896), mais aussi l’un des premiers films engagés, «L’Affaire Dreyfus» (1899), ou les toutes premières publicités filmées.