Le Conseil d’Etat somme le régulateur des médias de mieux contrôler CNews

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Avertissement pour CNews: le Conseil d’État a demandé mardi à l’Arcom, le régulateur des médias, de renforcer son contrôle sur la chaîne d’info dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré. La plus haute juridiction administrative a «enjoint à l’Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information», selon un communiqué. La décision fait suite à un recours de l’ONG RSF, qui considère que CNews «n’est plus une chaîne d’information, mais est devenue un média d’opinion», ce que l’intéressée conteste. Le secrétaire général de l’ONG de défense de la liberté de la presse, Christophe Deloire, a salué une «décision historique du Conseil d’État» pour «la démocratie et le journalisme». Cela «va certainement changer la donne, en amenant le régulateur de l’audiovisuel à être enfin à la hauteur des enjeux». Dans un communiqué, l’Arcom a fait valoir qu’«avec cette interprétation renouvelée de la loi de 1986 (sur la liberté de communication, ndlr), le Conseil d’État renforce la capacité de contrôle par le régulateur». Il y a un an, Roch-Olivier Maistre, président de l’autorité indépendante, avait estimé que CNews «respect(ait) strictement le pluralisme politique» de façon globale, tout en jugeant qu’elle «se rapproche d’une chaîne d’opinion» à la manière de la télé conservatrice américaine Fox News. Sur le podium des chaînes d’info, CNews est 2ème en audience, derrière BFMTV, mais elle progresse. Ses principales têtes d’affiche sont Pascal Praud, Christine Kelly, Sonia Mabrouk, Laurence Ferrari… Créée en 2017 sur les cendres d’iTélé, la chaîne appartient au groupe Canal+, lui-même contrôlé par Vivendi, groupe de Vincent Bolloré, aux opinions réputées ultra-conservatrices. RSF avait saisi le Conseil d’Etat en avril 2022, après avoir en vain appelé l’Arcom à mettre en demeure CNews de respecter ses obligations, à savoir «honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information». Lors de l’audience devant le Conseil d’Etat le 19 janvier, le rapporteur public, qui dit le droit, avait partiellement donné raison à RSF. Ses conclusions ont été largement suivies. Tout d’abord, l’Arcom ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques pour veiller au respect du pluralisme. Elle devra ainsi tenir compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, a exigé la juridiction, ce qui fait figure de petite révolution. Et concernant l’indépendance de l’information, celle-ci doit s’apprécier «non seulement au regard d’un programme donné» mais aussi, pour une chaîne, «de l’ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation», a ajouté le Conseil d’État dans sa décision rendue publique. D’après l’avocat de RSF, Patrice Spinosi, l’Arcom devra s’assurer de «l’indépendance effective de la chaîne», «au regard de l’influence que peuvent exercer ses actionnaires sur la ligne éditoriale». Dans ses observations au Conseil d’État, CNews avait soutenu que la loi de 1986 garantit que «les éditeurs peuvent librement établir une ligne éditoriale». Au cours de la dernière décennie, l’industriel breton Vincent Bolloré, proche des milieux catholiques traditionalistes, a pris le contrôle du groupe Canal+ puis du groupe Lagardère (Europe 1, «Paris Match» et le «JDD»). «Notre intérêt n’est pas politique, il n’est pas idéologique, c’est un intérêt purement économique», avait-il assuré devant le Sénat en janvier 2022. Le numéro 2 du groupe Canal+, Gérald-Brice Viret, a encore récusé tout «prisme d’extrême droite» en janvier. Les autorisations de 15 fréquences de la TNT doivent être renouvelées en 2025, dont celles de Canal+, C8 et CNews. Initiée par LFI, une commission d’enquête est en cours à l’Assemblée nationale sur le sujet.