Le compositeur John Williams, 92 ans, se dévoile dans un documentaire produit par Steven Spielberg

Il a composé «la bande originale de nos vies» avec ses musiques pour «Star Wars», «E.T. l’extra-terrestre» ou «Indiana Jones», mais la sienne reste méconnue: John Williams, 92 ans, se dévoile dans un documentaire produit par Steven Spielberg, son frère de coeur. Présenté mercredi en ouverture du festival de l’American Film Institute à Los Angeles, avant son arrivée le 1er novembre sur la plateforme Disney+, «Music by John Williams» retrace la carrière du chef-d’orchestre américain, à l’origine des partitions de moult classiques du cinéma, des «Dents de la mer» à «Harry Potter» en passant par «La liste de Schindler». «C’est quelque chose que j’essayais de faire depuis longtemps», relate son réalisateur franco-américain, Laurent Bouzereau, qui a rencontré le compositeur aux cinq Oscars il y a 30 ans, à l’occasion d’un de ses nombreux making of de l’oeuvre de Spielberg. «Mais il m’avait toujours dit non», ajoute le documentariste, louant «quelqu’un de très modeste», qui «inspire la droiture», «n’aime pas tellement qu’on l’encense», ni «regarder derrière lui». Un bref coup d’oeil dans le rétroviseur a de quoi donner le tournis: 54 nominations aux Oscars – un score battu uniquement par Walt Disney -, plus d’une centaine de longs-métrages – dont presque tous ceux de Steven Spielberg – mis en musique, près de 20 concertos classiques, une oeuvre jouée par les orchestres du monde entier et reconnaissable dès les premières notes… «Je défie n’importe qui de trouver quelqu’un d’autre (chez les compositeurs) qui soit aussi fort, aussi célébré que lui», résume Laurent Bouzereau, qui a sollicité l’aide du papa d’E.T. pour sortir John Williams de sa réserve. «Je pensais que si cela venait de Steven, il y aurait de fortes chances qu’il réponde oui». Convaincu par cette «alliance», rejointe entre autres par le réalisateur Ron Howard, également producteur, John Williams revient ainsi sur ses BO cultes – écrites à partir d’images, sans lire les scénarios -, à l’instar du thème des «Dents de la mer», deux simples notes incarnant la menace d’un requin invisible. Le natif de New York retrace aussi son enfance, baignée dans la musique aux côtés d’un père percussionniste, ses débuts comme pianiste de jazz et arrangeur pour la télévision, la mort à 43 ans de sa première épouse, l’actrice Barbara Ruick, ses déboires à la tête de l’orchestre Boston Pops dans les années 1980… Et, bien sûr, sa rencontre, déterminante, avec Steven Spielberg, qui lui a confié il y a 50 ans son premier film sur grand écran, «Sugarland Express», et l’a présenté à George Lucas, le créateur de «Star Wars». Ces deux cinéastes comptent parmi les nombreux intervenants du documentaire, racontant comment John Williams a sublimé leur travail, tandis que le leader de Coldplay Chris Martin ou encore le violoniste Itzhak Perlman abordent l’impact de sa musique, «intemporelle», selon Laurent Bouzereau. «Il a élevé vraiment l’art de la musique de film», aujourd’hui «menacé par l’intelligence artificielle» et que «beaucoup de gens, beaucoup de musiciens» méprisaient, rappelle-t-il. Pour lui, le tournant est survenu en 1977, lorsque l’orchestre philharmonique de Los Angeles a joué pour la première fois «La guerre des étoiles» en public. Paradoxalement, John Williams n’est «pas un cinéphile», relève Laurent Bouzereau. «Ce n’est pas quelqu’un qui va au cinéma» mais qui «aime beaucoup la création, en fait, de cinéma. Et surtout (…) les réalisateurs comme Steven ou George Lucas, avec qui il a tout à coup une espèce d’alchimie». Sa relation avec Steven Spielberg, en particulier, est «unique», insiste-t-il. «Ils s’appellent frères. (…) Il n’y a pas beaucoup de gens qui ont eu ce genre d’histoire», mis à part «peut-être François Truffaut et (son ami compositeur) Georges Delerue».