Seront-ils encore 5 millions à suivre les amours d’Emeline, cunicultrice, ou de Thierry, l’éleveur de chèvres qui vit toujours avec sa mère ? «L’amour est dans le pré», diffusé sur M6 à partir de lundi, va devoir prouver qu’il continue à séduire après 8 saisons.
A l’heure où les classiques de la chaîne comme «Top Chef» et «Pékin Express» réalisent de mauvaises audiences, M6 mise sur son programme phare de l’été pour redresser la courbe: «Que sont-ils devenus?», le prologue qui revient sur les amours des candidats des saisons précédentes, a réuni le 26 mai 5,5 millions de personnes. Mais le programme devra compter avec la concurrence de la Coupe du Monde. Un défi balayé par M6 qui parle d’«une contre-programmation pour ceux qui n’ont pas envie de regarder le foot».
«En huit ans, 85 agriculteurs ont participé, 49 sont en couples et 29 enfants sont nés». M6 joue l’entremetteuse et se targue de répondre à un problème de société, le célibat des agriculteurs: isolés dans leur travail, ils n’ont pas l’occasion de faire des rencontres. «L’amour est dans le pré», alias ADP, «échappe aux codes d’une télévision très fabriquée, on est dans une spontanéité totale, avec des participants sincères», assure Anne-Sophie Larry, directrice des productions externes de flux à M6. Une spontanéité relative selon le sociologue François Jost, qui soupçonne la production de faire «rejouer des scènes, par exemple quand 2 candidats se retrouvent nez à nez en descendant du train» afin de structurer l’émission. Avec «l’entrelacement de plusieurs histoires, un suspense dans l’écriture et une voix off qui rythme le récit», ADP est monté «comme une série», dit-il. Même si la chaîne refuse d’employer le terme de «casting», elle parle de «feuilleton de l’été» et de «comédiens plus vrais que nature». Le choix des participants signe la réussite d’une saison : qu’ils aiment un candidat ou adorent le détester, les téléspectateurs s’attachent. «Plus le candidat a un gros accent, plus ça fait d’audience», selon François Jost. Les aficionados n’ont pas oublié Thierry, sympathique agriculteur de la saison 7 à la verve très personnelle: «on va aller frotter les mamelles, c’est là que j’aime bien mettre les mains!». Cette année-là, l’émission avait battu un record, réunissant 6,4 millions de téléspectateurs contre 5,9 millions en 2013.
ADP surfe sur le succès de la «dimension terroir et l’attachement aux Français, aux paysages», analyse Virginie Spies, sociologue spécialiste des médias: «le citadin va se marrer de voir une fille qui lui ressemble se casser la gueule dans une crotte», quand d’autres s’esclafferont devant le parler «authentique» de certains candidats, notamment sur les réseaux sociaux où le programme est «un des plus commentés sur Twitter. L’aspect moquerie est très important, mais finalement les gens en ressortent dignes».
La présentatrice Karine Lemarchand assure que la production est très attentive à ne pas tomber dans le ridicule. «Au montage, on enlève ce qui est caricatural, on ne veut pas porter préjudice aux agriculteurs». L’animatrice au rire facile, qui présente l’émission depuis 5 ans, incarne l’identité du programme, selon Virginie Spies. Tantôt taquine, tantôt dans la confidence, elle «a une posture de citadine sympa», explique la sociologue. La saison 10 est déjà en cours.