Halte aux détournements de musique par l’intelligence artificielle. Un nouvelle appli permet aux compositeurs de certifier la paternité de leurs chansons face à des IA de plus en plus envahissantes. «L’IA arrive, fond sur nous et va prendre le boulot d’un tas de gens», s’alarme Jamie Hartman, qui a co-écrit des chansons de Christina Aguilera, FKA Twigs ou Lewis Capaldi. «Non», répond l’application ARK, selon l’auteur britannique, «c’est notre travail. Ça vient de l’humain et nous décidons de sa valeur, parce que cela nous appartient.» Avec son complice Ed Bennett-Coles, scénariste, Jamie Hartman veut offrir, avec ce logiciel, qui attribue, sans falsification possible, toutes les étapes du processus créatif qui mène à une chanson. Un extrait sonore ou une vrai maquette de morceau, une fois entrés sur AKR, sont associés, de façon indélébile, à un auteur. Les ajouts, modifications, transformations, sont, eux aussi, crédités à leur auteur, même s’il ne s’agit pas de la même personne. Chaque étape est documentée grâce à la technologie dite de la blockchain, qui sert d’architecture notamment aux cryptomonnaies. La blockchain est une suite de maillons, qui représentent chacun une transaction ou une contribution, dans un répertoire décentralisé. ARK, qui sera accessible à tous cet été, «va à l’encontre de la notion selon laquelle le produit fini est le seul qui a de la valeur», explique Jamie Hartman. Ses deux géniteurs veulent préserver «un processus qui implique l’ingéniosité et la créativité humaines, tout en le protégeant pour qu’il permette encore de gagner sa vie», ajoute l’artiste qui est basé à Los Angeles. Un nombre croissant de musiciens, producteurs ou labels s’inquiètent de voir les grands logiciels sur lesquels s’appuie l’IA générative s’abreuver de textes, images ou sons, le plus souvent sans autorisation préalable. Une fois mis au point, ils donnent la possibilité, comme c’est le cas pour les plateformes Suno et Udio, de générer un morceau à partir de centaines de ces sons sans en créditer les auteurs, les privant ainsi de revenus. Plusieurs maisons de disques ont assigné Suno et Udio devant la justice américaine, les deux affaires étant, pour l’instant, empêtrées dans une bataille de procédure. L’IA rend aussi possible de produire une chanson en synthétisant la voix d’un ou d’une chanteuse sans son accord. «Le droit d’auteur est un bon principe, si vous arrivez à en apporter la preuve», juge Jamie Hartman. Mais «les moyens pour le déposer sont assez archaïques». «Pourquoi ne pas faire évoluer la façon de démontrer la propriété d’une oeuvre», plaide l’auteur, qui juge l’industrie lente à réagir et invite les artistes à se mobiliser rapidement face aux dérives de l’IA. En cas de contestation en justice, ARK amènera la preuve de l’origine d’une oeuvre, moyennant un mécanisme consensuel, plaide Ed Bennett-Coles. Les fondateurs d’ARK ont conclu un partenariat avec Broadcast Music, Inc (BMI), qui collecte et redistribue les droits de 1,4 million d’artistes. Les deux associés ont choisi la blockchain pour sa dimension décentralisée, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de passer par un intermédiaire, un aspect important, «pour donner de l’autonomie et du contrôle sur la propriété intellectuelle», selon Ed Bennett-Coles. L’application sera payante, les tarifs variant en fonction de la capacité de stockage retenue.