La tech bélarusse s’exile face à la répression

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Colorful tech devices interacting with each other in modern office

Comme des milliers de spécialistes de la tech, Aliaksandr Tcharnavoki a fui le Bélarus après avoir participé à la contestation, violemment réprimée, contre le président Loukachenko, un exode qui menace un secteur florissant. «Il y a eu beaucoup de violence, d’anarchie juridique, d’anarchie d’Etat», raconte M. Tcharnavoki, 39 ans. Après avoir participé aux manifestations de l’été 2020, il a été arrêté, détenu pendant 4 jours et battu par les autorités. Lorsque l’opposition a appelé à une grève générale pour faire fléchir le régime, «je me suis rendu compte que la majorité ne la suivrait pas» dans l’entreprise de conception de plateformes de gestion visuelle dans laquelle il travaillait mais dont il préfère taire le nom. En octobre, il quitte donc Minsk pour Kiev, en Ukraine, où il retrouve facilement un emploi. En quelques années, le Bélarus, pays pourtant à l’économie dirigiste et étatisée, avait réussi un exploit singulier: entre exonérations d’impôts et salaires attractifs, il s’est doté d’un secteur de la technologie d’envergure mondiale. Le Hi-Tech Park de Minsk (HTP) a vu plus de 1.000 entreprises s’enregistrer, employant quelque 70.000 personnes. Le géant Wargaming, auteur du succès planétaire «World of Tanks» a été fondé dans la capitale bélarusse et y maintient encore d’importantes opérations. L’application d’appels Viber y a aussi eu des bureaux avant son rachat par le japonais Rakuten en 2014. D’autres entreprises, très profitables, spécialisées dans le développement de logiciels pour les entreprises y ont construit leur succès. Le secteur se targuait encore d’une croissance de 25% sur un an à 2,7 milliards de dollars en 2020, son record. Le HTP disait lui peser plus de 4% du PIB en 2020. Mais les employés de la tech se sont massivement rangés du côté de l’opposition, contestant la réélection en août 2020 d’Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994. «La croissance a ralenti», affirme Sergueï Lavrinenko, analyste basé à Minsk, estimant à près de 15.000 le nombre d’employés ayant quitté le pays. Et d’autres pourraient suivre, la répression se poursuivant, avec des milliers d’arrestations, et les sanctions occidentales se multipliant pour isoler le régime. «Si la situation ne change pas (…) dans quelques années, l’industrie pourrait même se trouver en récession», résume l’expert. Stanislav Bogdankevitch, ancien chef de la Banque centrale bélarusse, prévoit même la «mort» du secteur si la crise n’est pas surmontée d’ici un an. Le Hi-Tech Park avait été créé à Minsk en 2005, un cluster de technologies de l’information aux airs de campus universitaire grisonnant, surnommé «Silicon Valley d’Europe de l’Est». Le projet avait été initié entre autres par Valéry Tsepkalo, ex-diplomate passé à l’opposition et désormais exilé en Pologne dont l’épouse Veronika a aussi été une figure de la contestation. La répression a marqué un tournant pour le secteur. Parmi les cas les plus remarqués, Mikita Mikado, fondateur de l’entreprise de logiciels PandaDoc, a pris position publiquement en 2020 contre le président Loukachenko, mettant en place une cagnotte pour les policiers voulant démissionner. Aujourd’hui, trois employés sont assignés à résidence et un autre est en prison. Le bureau de Minsk a lui déménagé à San Francisco et nombre de collaborateurs ont choisi l’exil. «A Minsk, les endroits où les geeks de la tech faisaient la fête se sont vidés, les cafés sont vides, certains ont mis la clé sous la porte», raconte Ivan, 28 ans. «On n’est pas d’humeur à faire la fête», ajoute ce programmeur resté à Minsk et qui garde l’anonymat de crainte pour sa sécurité. Pour les candidats au départ, les choses sont relativement simples, tant leurs compétences sont prisées à l’étranger. Les pays voisins – Pologne, pays baltes, Ukraine – les accueillent à bras ouverts, d’autant qu’ils soutiennent le mouvement contre M. Loukachenko, qui a lui des relations toujours plus étroites avec leur adversaire russe.