Les journalistes du quotidien régional La Provence ont voté vendredi pour une grève illimitée, dénonçant une «ingérence éditoriale inadmissible» après la mise à pied du directeur de la rédaction suite à une Une jugée «ambiguë» par la direction sur la visite d’Emmanuel Macron à Marseille.
Le journal, propriété de l’armateur CMA CGM, ne paraîtra pas à partir de samedi et l’intersyndicale des journalistes a demandé «la réintégration immédiate» du directeur de la rédaction Aurélien Viers. «C’est une ingérence éditoriale inadmissible, on ne peut pas laisser passer cela», a réagi Audrey Letellier, déléguée syndicale du Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire au sein de la rédaction d’un des principaux titres régionaux du sud-est de la France. «Comment peut-on mettre à pied un directeur de la rédaction sur une ambiguïté?», a-t-elle ajouté, jugeant cette décision «disproportionnée».
Le SNJ avait dénoncé dans la matinée des «pressions politiques» pour démettre Aurélien Viers. Sur les 163 bulletins de vote exprimés en assemblée générale, 79% se sont prononcés en faveur d’une grève illimitée et d’une motion de défiance visant la direction générale du journal et celle de la branche média de CMA CGM.
Le reste des journalistes n’a voté que pour la motion de défiance. Nous «réclamons la réintégration immédiate du directeur de la rédaction», indique l’intersyndicale (SNJ, CFE-CGC et CFDT) de La Provence dans un communiqué. «Il (Emmanuel Macron, ndlr) est parti et nous, on est toujours là…», titrait jeudi le journal basé à Marseille, 48h après une visite surprise du président de la République, reprenant les mots d’un habitant cité dans une page intérieure.
Le titre surplombe une photo montrant deux personnes, de dos, regardant passer une policière en patrouille dans une cité de Marseille, où Emmanuel Macron était venu par surprise mardi annoncer une opération «place nette XXL», qu’il présentait comme «sans précédent» contre le narcotrafic.
A la suite de cette publication, le directeur de la rédaction de La Provence a été mis à pied pour une semaine, et convoqué pour un entretien préalable à licenciement, ce qui est la règle en la matière, sans préjuger de l’issue.
Dans un encart «A nos lecteurs» publié vendredi en Une du quotidien, le directeur de la publication, Gabriel d’Harcourt, présente les «plus profondes excuses» du journal pour cette Une, qui a «induit en erreur nos lecteurs» en ayant pu «laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l’autorité publique».
«Il ne s’agit même pas d’un trafiquant de drogue que l’on fait parler, mais même si cela avait été le cas, on fait parler qui on a envie de faire parler», a estimé Audrey Letellier, soulignant que la rédaction n’avait reçu aucune plainte de lecteurs, «juste quelques tweets d’élus locaux».