La crise fait rage aux César, déjà affaiblis par la polémique Polanski : plus de 200 personnalités ont dénoncé l’opacité et le manque de démocratie au sein de l’Académie dont ils ont réclamé une réforme profonde, forçant celle-ci à demander en urgence une médiation au CNC. Dans une tribune publiée lundi soir, plus de 200 personnalités du cinéma français dont Omar Sy, Bertrand Tavernier, Céline Sciamma ou Agnès Jaoui ont réclamé une «réforme en profondeur» de l’Académie des César. Parmi leurs reproches principaux, des «dysfonctionnements», une «opacité des comptes» ou des statuts qui «n’ont pas évolué depuis très longtemps» et reposent encore et toujours sur «la cooptation». Ils se plaignent aussi que les membres de l’Académie des César n’aient «aucune voix au chapitre, ni dans les fonctionnements» de l’Académie et de la structure qui la régit, l’Association pour la promotion du cinéma (APC), «ni dans le déroulé de la cérémonie». Prenant acte de ces critiques, le conseil d’administration de l’Académie des César, a indiqué mardi qu’il allait saisir dans la journée le Centre national du cinéma (CNC) «afin de nommer un médiateur en charge d’une profonde réforme des statuts et de la gouvernance de l’Académie». Il a aussi appelé à «un apaisement», alors que les César sont aussi secoués cette année par la polémique sur Roman Polanski, visé par des accusations de viol et arrivé en tête des nominations pour la cérémonie du 28 février avec «J’accuse». Mais la crise est profonde dans cette institution, créée en 1975 par le journaliste et producteur Georges Cravenne. La liste des membres de l’Académie, constituée de 4.700 professionnels du cinéma, est confidentielle. Pour en faire partie, il faut avoir au moins deux parrainages et avoir participé à au moins 3 longs métrages en 5 ans. L’Académie est elle-même régie par l’APC, dont les membres sont les professionnels ayant reçu un Oscar, les anciens présidents et plusieurs personnalités, soit 47 membres. Elle est chapeautée par un CA composé des membres fondateurs, d’anciens présidents ou de membres de l’Association, 21 personnes au total. Les 1ers signes de la crise étaient apparus à la mi-janvier, à l’occasion du dîner des candidats aux nominations pour les César du meilleur espoir. La Société des Réalisateurs de Films (SRF) s’était alors indignée que l’Académie des César ait refusé la romancière Virginie Despentes comme marraine de l’acteur Jean-Christophe Folly («L’Angle mort») et la réalisatrice Claire Denis pour Amadou Mbow («Atlantique»). Elle avait dénoncé «des agissements opaques et discriminatoires indignes».Plusieurs réalisateurs et acteurs avaient relayé ces protestations au cours de cette soirée. L’Académie des César avait alors présenté ses excuses puis, devant le mécontentement persistant, promis une réforme. A l’occasion de l’annonce des nominations fin janvier, son président Alain Terzian avait dit vouloir engager une «modernisation essentielle», passant par l’instauration de la parité. Il avait précisé ces promesses dans le «JDD», annonçant des mesures en vue d’instaurer la parité au sein du collège des votants (35% de femmes), au sein du CA (28,5% de femmes) et de l’APC (17% de femmes). Mais les signataires de la pétition ont jugé «insuffisants» les changements promis. Ils ont estimé qu’«il s’agirait de nouveau d’un système de cooptation, vestige d’une époque que l’on voudrait révolue, celle d’un système élitiste et fermé». «Pourquoi les 4.700 membres de l’Académie ne peuvent-ils pas voter pour élire leurs représentants comme c’est le cas aux Oscars, aux Baftas»?, s’interrogent-ils. Un mécontentement relayé aussi par plusieurs professionnels du cinéma sur les réseaux sociaux. «Une poignée d’hommes pose problème dans le cinéma français en se cooptant mutuellement depuis 30 ans à la tête de toutes les commissions, toutes les organisations», a estimé sur Twitter le producteur Vincent Maraval. «Outre d’être illégitimes, ils empêchent le renouvellement».