L. BELLULO (Fédération Française des Télécoms) : «Jouer collectif est essentiel pour le secteur des télécoms»

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La Fédération Française des Télécoms (FFT) réunit les opérateurs de communications électroniques en France. Elle a pour mission notamment de promouvoir une industrie responsable et innovante au regard de la société, de l’environnement et de défendre les intérêts économiques du secteur. Bilan et rencontre avec Liza BELLULO, Présidente de la Fédération Française des Télécoms, qui passe la main ce 3 juillet, et devient ainsi vice-présidente, tout en continuant ses activités de Secrétaire générale chez Bouygues Telecom.

Quel rôle a joué la Fédération Française des Télécoms (FFT) pendant votre présidence ?

Jouer collectif est essentiel pour le secteur lui-même, ainsi que pour sa relation avec les pouvoirs publics. Car si plus de 70% des investissements dans les réseaux sont privés, la connectivité est au cœur de l’aménagement du territoire ainsi que des transitions numérique et environnementale. Durant mon année de présidence, j’ai principalement axé mes efforts sur l’équité avec les géants du numérique, la connectivité (nous sommes à mi-parcours du New deal, qui est un succès, et nous devons renforcer notre plan qualité pour la fibre optique), la solidarité, en particulier l’accessibilité avec le centre relais téléphonique et la continuité, notamment pour les appels d’urgence et les délestages électriques en hiver. Puisque nous travaillons tous ensemble dans l’intérêt commun, je suis convaincue que nous continuerons dans cette voie !

La concurrence est intense entre les opérateurs télécoms. Comment réussissez-vous à fédérer ces acteurs au sein de la FFT ?

C’est là tout le défi d’une fédération professionnelle ! Nous sommes concurrents déterminés, mais savons aussi unir nos forces, par exemple pour le New Deal Mobile, la fibre ou la sobriété énergétique.

Avec la consultation récente de la Commission européenne sur la contribution des Bigtechs aux réseaux télécoms, quelle a été l’implication de la FFT ?

La FFT n’avait encore jamais fourni de travail aussi documenté et construit sur un sujet européen, en France comme à Bruxelles. C’est un sujet de souveraineté et de résilience, économique et environnementale, pour les réseaux de demain.

Quels sont les principaux enjeux concernant la contribution des géants du numérique aux réseaux télécoms ?

Sans optimisation de la bande passante, partage et maîtrise des coûts économiques et environnementaux liés à la croissance du trafic vidéo, nous ne pourrons absorber un trafic mobile qui a été multiplié par 18 entre 2012 et 2021 et quintuplera encore d’ici 2030. Un petit nombre d’acteurs concentre 80% de ce trafic à certaines heures de la journée. Et, au sein même des applications les plus populaires et notoires, l’usage de la bande passante mobile peut varier d’un facteur de 1 à 1.000. Une responsabilité collective doit donc nous animer pour préparer 2030. Un mécanisme de partage des coûts inciterait clairement à la rationalisation du trafic et à la stabilisation de l’empreinte environnementale du numérique, sans affecter la qualité d’expérience client.

Quels sont les résultats obtenus depuis le début de cette consultation ?

Le Commissaire Breton a annoncé un Telecoms Act à l’automne, à la lumière des débats au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen en juin. Ce dernier demande à la Commission européenne de mettre fin aux asymétries de pouvoir de négociations et d’assurer une juste contribution de tous ceux qui bénéficient des réseaux à leur financement, sans préjudice de la neutralité du net.

Concernant le déploiement de la fibre, où en sommes-nous actuellement en France ?

Avec 35 millions de locaux raccordables et les 18 millions d’abonnés, la France est le pays le plus fibré en Europe ! C’est le plus grand chantier d’infrastructures du pays. Notre priorité est de l’achever fin 2025, en trouvant des solutions sur les raccordements les plus complexes et en renforçant nos outils et notre pilotage qualité.

Comment la filière des télécoms se mobilise-t-elle pour assurer la qualité des raccordements en fibre optique ?

L’ensemble de la filière se mobilise pour mettre en œuvre le plan rendu public en septembre 2022. La limitation à deux des rangs de sous-traitance, la mise en place d’un outil permettant de détecter les déconnexions, le renforcement des audits sont déjà une réalité. La certification qualité des intervenants et le plan de reprise des infrastructures qui concentrent les incidents sont lancés. Il faut poursuivre ces efforts, encouragés et vérifiés par le régulateur, dans la durée, pour que leurs effets soient pleinement ressentis sur le terrain.

Avec la mise en place du New Deal Mobile, les zones blanches ont-elles été résorbées ? Quel bilan faites-vous de ce programme ?

Le New Deal Mobile est une réussite collective, saluée par la Cour des comptes. Le patrimoine immatériel de l’État a été redistribué au bénéfice de l’aménagement numérique des territoires. Les opérateurs ont appris à travailler à quatre de manière coordonnée, en lien étroit avec les élus locaux, qui désignent les zones blanches à combler. Les chiffres sont éloquents : 42.354 sites construits ou passés en 4G et nous allons inaugurer prochainement le 2.500ème site en zone blanche.

En tant que première femme élue présidente de la FFT, quels conseils donneriez-vous aux futures dirigeantes de la Fédération et plus largement aux femmes dans le secteur des télécoms ?

Nous avons des talents formidables et pouvons offrir des carrières passionnantes et évolutives. Sensibilisons les collégiennes et étudiantes aux opportunités des métiers de la tech, en multipliant le partage d’expériences et les témoignages directs. A nous d’aller à leur rencontre et de nous manifester sur les réseaux sociaux !