Klubradio, la première station de radio indépendante de Hongrie privée d’antenne

467

La première station de radio indépendante de Hongrie, Klubradio, va cesser d’émettre dimanche soir après avoir été déboutée de son appel pour garder sa licence, nouvelle atteinte à la liberté de la presse dans ce pays de l’UE gouverné par Viktor Orban. Le responsable de cette radio, au contenu souvent critique du gouvernement souverainiste, a dénoncé «une décision honteuse et lâche» du tribunal municipal de Budapest. «Nous déposerons un ultime recours auprès de la Cour suprême», a déclaré Andras Arato. Il a promis de continuer le travail sur internet, invitant les auditeurs à «les soutenir». «Dans une dictature, il n’y a pas de place pour les voix libres», a réagi, amer, un des présentateurs, Janos Desi. 

En septembre dernier, le Conseil des médias (NMHH), une tutelle qui chapeaute toutes les entreprises d’information en Hongrie, avait refusé de prolonger son autorisation d’exploitation, qui arrive à terme le 14 février. Le NMHH, créé en 2011 sous l’égide de M. Orban, a affirmé que la station avait soumis, à deux reprises en un an, des documents administratifs avec retard. Il l’a toutefois autorisée à se porter candidate sur la même fréquence desservant principalement les auditeurs de la capitale, Budapest.Face à cet acte «illégal», Klubradio avait saisi la justice afin de demander une licence temporaire en attendant le résultat de l’appel d’offres, qui n’est pas attendu avant plusieurs mois. Deux autres radios ont également postulé.Suspendre Klubradio constituerait un «signal très inquiétant en termes de pluralisme et d’indépendance des médias», a averti mardi la diplomatie française. «Nous appelons la Hongrie à respecter ses engagements européens en la matière», a souligné la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Il s’agit là d’un nouveau revers pour les médias indépendants hongrois, sous pression depuis le retour au pouvoir en 2010 de Viktor Orban. Klubradio, qui a commencé à émettre dans les années 1990, a été confrontée ces dernières années à une série d’obstacles et de batailles juridiques pour pouvoir rester à l’antenne. Au-delà de ce cas précis, de nombreux médias indépendants ont dû mettre la clé sous la porte ou ont été repris par des alliés du pouvoir, à l’image du principal site d’information Index, dont les journalistes avaient démissionné avec fracas l’été dernier.Pendant ce temps, la presse publique est accusée d’avoir été transformée en outil de propagande. «Une autre voix réduite au silence en Hongrie. Un autre triste jour pour la liberté des médias», a commenté sur Twitter la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic. Cette décision «s’inscrit dans une longue lignée de manoeuvres d’organismes pro-gouvernementaux qui utilisent des outils légaux pour faire taire les voix critiques», a renchéri Gabor Polyak, analyste du groupe de réflexion Mertek Media Monitor. «Même si Klubradio parvient d’une manière ou d’une autre à regagner sa fréquence perdue dans les mois à venir, elle aura entretemps perdu des annonceurs et auditeurs», a-t-il souligné. La Hongrie occupe actuellement la 89e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse, publié par l’ONG Reporters sans frontières (RSF). Elle était 23e lorsque Viktor Orban est revenu au pouvoir en 2010. Fin 2018, Bruxelles a déclenché une procédure exceptionnelle pour risque de «violation grave» des valeurs de l’UE, pointant notamment l’appauvrissement du pluralisme médiatique en Hongrie.