Jean-Claude Romand, qui vient d’obtenir sa liberté conditionnelle, a inspiré la littérature, en premier lieu l’écrivain Emmanuel Carrère, le cinéma et la télévision sans que soit véritablement levé le mystère de ce grand mythomane. En 1993, il a tué sa femme, ses deux enfants, ses parents après avoir prétendu, pendant plus de 15 ans, travailler comme médecin à l’Organisation mondiale de la Santé. Son épouse semblait sur le point de découvrir la vérité. Il a été condamné en 1996 à la perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans. Emmanuel Carrère a été littéralement «possédé» durant sept ans par celui que les psychologues, passionnés eux aussi par ce conte de la folie ordinaire, cet extraordinaire fait-divers qui a marqué l’inconscient collectif français, ont qualifié de «narcissique criminel». Il lui écrit en 1993 pour la première fois. Il reçoit une réponse deux ans plus tard. «J’ai entendu qu’il comptait sur moi plus que sur les psychiatres pour lui rendre compréhensible sa propre histoire», a expliqué l’écrivain. Il publie finalement en 2000 «L’adversaire», texte tournant le dos à la fiction mais pas à la littérature et qui fut un succès de librairie. «L’adversaire», c’est d’abord, a précisé l’écrivain, «ce qui était en Romand et qui, à un moment, l’a bouffé». Mais Romand s’est par ailleurs révélé un «adversaire» coriace à percer car, à la fin du récit, son mystère reste entier. Comment expliquer cette folie? Quels traumatismes intimes ont transformé ce bon élève, à l’enfance sans histoire, plus tard bon père et bon époux, en un implacable tueur? Personne ne le sait, pas même lui. «Il est impossible de penser à cette histoire sans se dire qu’il y a un mystère et une explication cachée. Mais le mystère, c’est qu’il n’y a pas d’explication et que, si invraisemblable que cela paraisse, cela s’est passé ainsi», conclut Carrère.Son livre a été adapté pour le théâtre en 2016 et au cinéma en 2002 par Nicole Garcia, avec Daniel Auteuil. «On se construit tous une image pour plaire aux autres, a-t-elle dit. Heureusement, nous, on a la possibilité de faire des allers-retours, mais lui s’est perdu dans cette image idéale. Il a endossé une carapace qu’il ne peut pas supporter qu’on lui enlève». Autre long-métrage tiré cette histoire, «L’emploi du temps» (2001) de Laurent Cantet, avec Aurélien Recoing, entre réalisme social et vacuité irréelle d’une vie fantasmée. Le réalisateur insiste moins sur les meurtres que sur la double vie de Romand et «tout ce qu’elle pouvait nous laisser imaginer du personnage».La télé et la radio françaises ont diffusé de nombreux documentaires ou longs reportages sur cette affaire. Des épisodes de séries télévisées comme «Profilage» ou «Le jour où tout a basculé» y font aussi allusion.Elle a toutefois dépassé les frontières hexagonales, inspirant le réalisateur espagnol Eduard Cortés, auteur de «La vida de nadie» («La vie de personne»), ainsi que les scénaristes de séries comme «New York, section criminelle» et «New York, unité spéciale». Cette histoire, en partie reprise dans le roman d’Ysa Dedeau («Rouge, pair, impasse») et dans d’autres pièces de théâtre, ne pouvait qu’intéresser psychiatres et psychothérapeutes qui l’ont analysée dans des études collectives ou des ouvrages, comme «Libres de savoir, Ouvrir les yeux sur notre propre histoire» d’Alice Miller. Plusieurs ont établi un parallèle entre Romand et Xavier Dupont de Ligonnès, suspecté du meurtre de cinq membres de sa famille à Nantes en 2011 et toujours introuvable. Ainsi, le psychiatre Denis Toutenu, qui a expertisé Jean-Claude Romand, a dit à l’«Obs» : «ce sont ce que l’on appelle des personnalités narcissiques, de grands invalides psychiques».
Accueil TV Télévision - Evènements Jean-Claude Romand a inspiré la littérature, le cinéma et la télévision