Troisième radio de France avec 4,8 millions d’auditeurs quotidiens, franceinfo (Radio France) poursuit sa lutte contre les infox qui déferlent sur l’information, tant l’opinion prend le pas sur les faits. Rencontre avec Jean-Philippe BAILLE, Directeur de franceinfo depuis janvier dernier, qui nous explique sa ligne de conduite dans une saison présidentielle, et sa volonté d’aller à la rencontre des Français pour les écouter et les entendre.
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Garantir une info fiable, étayée et impartiale, c’est plus que jamais votre cheval de bataille ?
JEAN-PHILIPPE BAILLE
Oui, c’est notre ligne de conduite. Un engagement garanti au quotidien grâce à la création de notre Agence de certification de l’information il y a 5 ans et de la Cellule Vrai du Faux il y a 2 ans. Au fil des années, on se rend bien compte qu’il est de plus en plus important d’avoir une information fiable et certifiée. La crise sanitaire nous a montré que les infox partaient dans tous les sens et que les complots émergeaient de plus en plus. On a aussi observé ce qui se passait aux États-Unis lors de la campagne présidentielle américaine. Il est fort probable que la présidentielle en France soit elle aussi marquée par les infox, d’autant plus si la crise sanitaire ne permet pas une campagne habituelle. Tout pourrait donc se jouer sur les réseaux sociaux et nous savons très bien que c’est la porte ouverte aux dérives et aux fausses infos. Il en va de notre responsabilité d’être encore plus vigilant et rigoureux puisque c’est un moment démocratique important, un enjeu considérable. Nous voulons plus que jamais être un média de confiance.
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Comment renforcez-vous au mieux votre dispositif anti-infox ?
JEAN-PHILIPPE BAILLE
En renforçant notamment notre cellule «Vrai du Faux» désormais composée de 6 journalistes confirmés et chevronnés chargés de débusquer les infox. Il faut rappeler que c’est franceinfo qui a lancé le premier fact-checking à l’antenne en 2012 avec la chronique «le vrai du faux». A l’époque, il n’y avait qu’une seule personne qui s’en chargeait. Grâce à la force du média global (radio, web, tv), nous avons décidé de mettre nos forces en commun avec France Télévisions pour lutter contre la désinformation. Ces derniers s’occupent notamment de la partie vidéo et images. On se rapproche aussi de France Médias Monde afin de conjuguer les talents et faire en sorte que tous ceux qui débusquent les infox se rassemblent et échangent. Nous devons être le référent français de la lutte contre la désinformation pendant la campagne électorale. franceinfo sera le pilier de cette politique.
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Combien de journalistes collaborent avec la radio ?
JEAN-PHILIPPE BAILLE
Si je compte l’intégralité des collaborateurs de franceinfo à Radio France, il y a près de 200 journalistes qui produisent une information fiable, impartiale et accessible 24h/24, 7j/7 et fournissent chaque année 600 heures de reportages.
MEDIA +
Les reporters sur le terrain font partie de votre valeur ajoutée…
JEAN-PHILIPPE BAILLE
Bien sûr ! Il y a une grande volonté d’écoute des Français. Avec la crise des gilets jaunes, on s’est rendu compte qu’il pouvait y avoir une cassure. A ses débuts, la crise sanitaire a pu créer une distance. Je me suis battu pour que l’on puisse, malgré les difficultés, aller sur le terrain en plein épidémie, tout en prenant les précautions d’usages. Il fallait que nous allions voir les Français. Ça a été l’une de nos forces. Des reporters sont partis sur le terrain recueillir la parole et constater ce qui se passait. Nous avons été l’un des premiers médias à rentrer dans les EHPAD, les services d’urgence et de réanimation dans les hôpitaux. Il est important de conserver ce contact avec le terrain.
MEDIA +
Et pour l’année à venir ?
JEAN-PHILIPPE BAILLE
Nous continuons de recueillir la parole des Français. On le voit à travers les récentes manifestations anti pass-sanitaire et la défiance qu’il y a envers les journalistes. franceinfo veut écouter les Français et leur donner de la voix, notamment auprès des plus jeunes. Tous les jours, dans «Génération 2022», Manon Mella, notre reporter de 26 ans, part à la rencontre des 18-25 ans, aux quatre coins de la France. Elle réalise des portraits de jeunes que l’on a sentis tour à tour stigmatisés et oubliés pendant la crise sanitaire. Nous voulons entendre cette génération d’autant plus qu’elle est appelée à voter. A nous de comprendre leurs attentes, ce qui les motive et comment ils se sentent dans la société française.
MEDIA +
Quelle est la préoccupation de vos auditeurs ?
JEAN-PHILIPPE BAILLE
Ils viennent nous écouter pour s’informer et comprendre l’actualité. Non seulement ils reçoivent l’information, mais nous leur apportons de l’explication et de la plus-value. Pour cela, nous avons mis en place un certain nombre de chroniques pour aller plus loin. La vieille image que l’on pouvait avoir de franceinfo est révolue. Nous ne sommes pas un robinet à info. Nous continuons certes à délivrer des informations toutes les 10’ mais entre les séquences, il y a de la plus-value éditoriale. Nous avons de l’espace pour pouvoir aller plus loin et traiter les sujets jusqu’au bout.
MEDIA +
Malgré la synergie évidente avec le média TV, vous semblez néanmoins conserver une indépendance. C’est exact ?
JEAN-PHILIPPE BAILLE
Les équipes de franceinfo à Radio France et à France Télévisions travaillent en totale coopération. Nous renforçons tout ce qui est possible de renforcer : mise en commun de nos moyens, de nos incarnations, multiplication des séquences du «Vrai du Faux» sur nos médias respectifs. Outre les éditions communes, il y a des rythmiques propres à la radio et à la télévision. C’est pourquoi on se garde une liberté et une souplesse éditoriale pour faire du breaking news selon les besoins et les spécificités de nos médias. En revanche, nous renforçons les rendez-vous et les incarnations en commun. Par exemple, nous avons recruté Clément Viktorovitch qui, avec «entre les lignes», analyse du lundi au vendredi le discours et la rhétorique des candidats à la présidentielle, pour les deux médias.