J. MONIN (Radio France) : « La Cellule nous permet chaque année de mener près de 40 enquêtes fouillées et approfondies »

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En 2024, la Cellule investigation de Radio France célèbre ses 10 ans. Chaque année, ses équipes réalisent près de 40 enquêtes sur des sujets divers avec pour but de servir l’intérêt général. L’occasion pour media+ de dresser le bilan de cette décennie avec Jacques MONIN, Directeur de la Cellule investigation.

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Que représente la Cellule investigation de Radio France ?

Jacques MONIN

La Cellule investigation de Radio France, créée en 2014, est composée de dix journalistes et collaborateurs de Radio France et produit l’émission «Secrets d’info». La discipline de l’investigation était historiquement un domaine plutôt réservé à la presse écrite. Nous avons souhaité changer cela et doter Radio France, entité de service public, d’une véritable unité dédiée à l’enquête. Aucune autre radio ne dispose d’une telle cellule, c’est vraiment un marqueur fort au service de l’information et des auditeurs. Aujourd’hui, la Cellule nous permet chaque année de mener près de 40 enquêtes fouillées et approfondies.

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La Cellule peut-elle être activée par un citoyen lambda ?

Jacques MONIN

Oui, la Cellule investigation peut être contactée par tout citoyen souhaitant communiquer des informations d’intérêt public via une plateforme dédiée : alerter.radiofrance.fr. Radio France est le premier groupe radiophonique français à avoir mis en place une telle plateforme, anonyme et sécurisée. Pour chaque information transmise, nous entamons ensuite tout le travail journalistique avec la rigueur nécessaire : on vérifie, on croise les infos… Outre ce moyen d’activation, nous menons aussi des enquêtes en fonction des informations que peuvent avoir nos journalistes, ou pour prolonger des sujets d’actualité. Nous ne nous interdisons aucun domaine et nous accordons beaucoup d’importance au contradictoire pour donner la parole à ceux mis en cause.

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Quel bilan tirez-vous des 10 ans de la Cellule investigation de Radio France ?

Jacques MONIN

En 10 ans, la Cellule investigation de Radio France s’est imposée dans le milieu de l’enquête. Tant en France qu’à l’international. Notre travail a été récompensé à 3 reprises comme en août 2023, nous avons reçu un Online Journalism Award pour l’enquête «Story Killers» à laquelle nous avons contribué au sein d’un collectif de médias. Je pense aussi à l’enquête «Projet Pegasus» qui a révélé comment ce logiciel pouvait transformer votre téléphone en un espion par certains régimes, notamment pour observer et surveiller ses opposants.

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Quels sont les obstacles que vous rencontrez ?

Jacques MONIN

Les obstacles que nous rencontrons durant une investigation sont multiples. Ils peuvent être juridiques par exemple. Certaines personnes que nous mettons en cause peuvent nous menacer ou nous attaquer en justice. En 10 ans, nous n’avons jamais perdu un procès. Je le précise sans fierté particulière, mais c’est factuel et cela démontre notre professionnalisme. Il y a aussi des obstacles techniques comme les fake news. Elles se sont développées et renforcées avec l’émergence de l’IA générative, notamment avec les deepfakes. Nous devons redoubler de vigilance pour les débusquer plus facilement. Pour cela, nous testons de nouveaux outils et nous nous formons en continu.

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Quelles enquêtes retenez-vous durant ces 10 ans ?

Jacques MONIN

Il y a des enquêtes que nous avons menées sur des sujets peu médiatisés dont nous sommes fiers, mais d’autres ont fait du bruit. Ça a été notamment le cas de l’Affaire des assistants parlementaires du MoDem. Nous avions révélé que le parti utilisait l’argent de l’Europe pour rémunérer des cadres du MoDem. À l’époque, François Bayrou, alors garde des Sceaux, avait été contraint de démissionner, tout comme d’autres ministres.