Américaines dans leur rythme, francophones dans leur écriture, les séries télé québécoises se préparent à envahir le petit écran en France, sur fond de mutation des grandes chaînes françaises. Après l’adaptation de «Un gars, une fille», les «téléséries» canadiennes, et au premier rang québécoises, ont connu un léger creux en France, mais cette période semble terminée. «Les grilles horaires des diffuseurs français sont moins franco-françaises et en même temps les productions québécoises sont maintenant plus américaines ou plus distinctives. La rencontre de ces deux circonstances a créé un nouveau climat», estime Michel Bissonnette, vice-président de Zone 3, société montréalaise produisant «Minuit, le Soir». France 2 prévoit de diffuser en version doublée cette série sur l’univers de trois «videurs» de bars, qui avait déjà été présentée sur la chaîne spécialisée Cinécinéma, de même que «Les hauts et les bas de Sophie Paquin», sur une mère trentenaire célibataire. Une adaptation pour M6 des «Bougon», série sur une famille sans emploi qui se moque du «système» et qui a fait un tabac au Québec, est aussi en cours de production. Idem pour «Les Invincibles», aventure de quatre trentenaires à la fois pathétiques et attachants en quête de l’âme soeur, sorte de «Sex and the City» masculin et moins classe, destiné à la chaîne Arte. Et c’est sans compter sur «Le coeur a ses raisons», diffusé sans adaptation ni doublage depuis un mois sur la chaîne câblée NRJ12. «Au Québec, ils arrivent à faire des fictions avec des thèmes différents du flic classique que l’on peut voir en France avec nos séries policières», pense Stéphane Drouet, producteur de la version française des «Invincibles». «Ils arrivent à faire des séries francophones qui ont vraiment une identité particulière et qui ne sont pas un simple copier-coller de ce que font les Américains», dit-il. Les fictions canadiennes ont depuis longtemps adopté les formats des séries américaines (26 et 52′) et se sont développées sans les moyens des studios d’Hollywood, des atouts qui peuvent intéresser les chaînes françaises à la recherche de nouveaux projets. Signe d’une volonté en France de renouveler le genre des séries télé, la nomination cet hiver du Québécois André Béraud à la tête des fictions de TF1, se félicitent des producteurs des deux côtés de l’Atlantique. Mais si les producteurs québécois sentent un engouement et une ouverture chez leurs pairs français, ils craignent toutefois la transformation de TV5Monde en chaîne «franco-française». La France projette de créer une nouvelle société nommée France Monde qui coifferait à la fois France 24, Radio France Internationale et TV5 au grand dam des partenaires de la francophonie. «Plusieurs fictions québécoises ont eu comme tremplin TV5Monde. Certaines ont été vues sur TV5, puis achetées par d’autres réseaux et adaptées», constate Josée Vallée, coproductrice avec André Béraud de la série «Tout sur moi». Cette série sémillante, où des comédiens tiennent leur propre rôle, est diffusée sur TV5 Monde et des discussions sont en cours pour la diffuser sur une chaîne française. «TV5 a permis aux produits québécois de se faire voir en France et vice-versa», remarque Michel Rodrigue, président de Distraction/Formats et représentant des intérêts de Thierry Ardisson dans la «Belle Province». L’adaptation québécoise de «Tout le monde en parle» y connaît un fort succès populaire.