Fusion TF1/M6: le débat lancé face au risque de monopole

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La fusion entre TF1 et M6 risque-t-elle de conduire à une situation de monopole, redoutée notamment sur le marché de la publicité ? Le débat est lancé, avec en ligne de mire l’analyse de l’Autorité de la concurrence qui scellera l’année prochaine le destin de ce nouveau géant de la télé. «On est mis devant le fait accompli», regrette Jean-Luc Chetrit, DG de l’Union des marques qui représente les annonceurs. Le projet de fusion annoncé lundi soir par Bouygues et Bertelsmann (via RTL Group) «consiste à faire émerger un acteur qui détiendra 75% de la publicité télévisuelle en France», explique-t-il en se basant sur des chiffres de l’institut Kantar Media. Et selon lui, ce nouveau groupe serait en mesure de dicter les prix à l’achat de programmes et à la vente de publicités, tout en empêchant l’arrivée de nouveaux entrants : «ça n’est pas une bonne nouvelle, ni pour les marques, ni pour les producteurs», insiste M. Chetrit. Sur un autre plan, l’application française de télévision sur internet Molotov, aux prises avec les chaines de télé, craint que les deux diffuseurs se coordonnent pour éviter toute concurrence sur le marché de la distribution. «Cette fusion comporte des risques vitaux pour tous les acteurs de l’audiovisuel», a-t-elle dénoncé mardi soir. Pourtant, des experts confirment que le secteur doit évoluer vers plus de concentration, seule issue pour résister à la pression grandissante des Google, Facebook et autres plateformes de streaming américaines (Netflix, Disney, Apple, Amazon). Les 1ers dominent le marché publicitaire tandis que les 2nds grappillent inlassablement des parts d’audience. Ailleurs également, le marché du divertissement se consolide: annonce de la fusion de WarnerMedia avec Discovery, mais aussi absorption du studio MGM par Amazon évoqué mardi dans la presse américaine, ou précédemment rachat de Warner Bros par AT&T, d’Universal par Comcast, et de Paramount par ViacomCBS… «En un temps de quasi monopole des Gafa, l’heure n’est pas à s’inquiéter de la concentration dans le secteur de la TV en France», juge l’un des spécialistes du secteur, Patrick-Yves Badillo, directeur de Medi@Lab à l’Université de Genève. Selon lui, «c’est plutôt une bonne chose» que la France fasse émerger «un acteur aussi puissant que possible». «En revanche il est bon de maintenir, voire de renforcer, la pluralité des sources d’information, notamment grâce aux chaînes d’info en continu». Sur ce point, l’expert des médias Philippe Bailly n’est «pas inquiet» : «les chaînes d’info en continu restent un marché à 4 acteurs (BFM, CNews, France Info, LCI), et aujourd’hui, il ne me semble pas qu’il y ait une concentration très forte du nombre d’émetteurs d’infos», indique-t-il. L’issue du projet repose désormais sur les conclusions que tireront les deux autorités qui doivent l’étudier. Le CSA doit examiner sa conformité au regard des règles anti-concentration spécifiques aux médias, notamment concernant le nombre maximum de canaux TNT par groupe. «Il n’est pas écrit que cette opération soit possible», rappelle de son côté la présidente de l’Autorité de la concurrence Isabelle de Silva. «Si on conserve la définition du marché pertinent actuel (la publicité sur la télévision gratuite), l’opération semble difficilement réalisable», avance-t-elle. Or, «on ne fait évoluer ces définitions que si on a beaucoup d’éléments de conviction», comme cela a été le cas par exemple en intégrant le numérique (et Amazon) dans le marché de la vente de produits électroniques, lorsque la Fnac avait racheté Darty en 2016. Selon Mme de Silva, «les remèdes comportementaux – comme l’obligation de conserver pendant un temps des régies publicitaires séparées – ne sont pas adaptés quand il y a vraiment des problèmes de concurrence majeurs». L’instance entend débuter au plus vite l’examen du dossier. Une notification formelle est prévue à l’automne puis la décision pourrait intervenir au 1er semestre 2022.