Des personnalités politiques et culturelles ukrainiennes ont exprimé leur colère vendredi après la présentation au festival du film de Venise du documentaire d’une réalisatrice russo-canadienne donnant la parole à des soldats russes, dénoncé comme de la «propagande russe», ce dont cette dernière se défend.
Anastasia Trofimova a présenté hors compétition à la Mostra «Russians at War» («Des Russes à la guerre») après avoir passé plusieurs mois au sein d’un bataillon russe sur le front ukrainien, glanant les témoignages de soldats dont elle a tiré ce film de plus de deux heures. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le chef de l’administration présidentielle ukrainienne Andriï Iermak a jugé «honteuse» la projection de ce qui est, selon lui, un «film de propagande». Il a estimé que les «personnalités de la culture russe» n’avaient pas le droit de «travailler dans le monde civilisé». Il s’agit d’un «documentaire anti-guerre, et (…) il a fallu prendre de grands risques pour le réaliser», a réagi Mme Trofimova dans un communiqué.
«L’insinuation selon laquelle il s’agirait d’une propagande orchestrée par la Russie est absurde, sachant que je suis menacée de poursuites pénales en Russie». Daria Zarivna, activiste ukrainienne et conseillère de M. Iermak, a estimé que le film cherchait à «justifier» les actions de l’armée russe et accusé Mme Trofimova de «passer sous silence les crimes de guerre» qui sont imputés aux forces de Moscou en Ukraine. «Je condamne sans ambiguïté l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe et reconnais la légitimité des enquêtes lancées par la Cour pénale internationale sur les crimes commis en Ukraine», a répondu la réalisatrice.
«Je comprends également la souffrance et la colère que ce thème peut déclencher chez celles et ceux qui ont à souffrir de la guerre». Dans un entretien, elle avait affirmé être allée «seule» sur le front et avoir «juste demandé aux soldats si (elle) pouvai(t) filmer leurs histoires.» Ceux que l’on voit à l’écran semblent avoir perdu le sens de leur participation à ce conflit.
Manquant d’équipement, ils bricolent eux-mêmes leurs armes, recourant à du matériel datant de l’ère soviétique. Enchaînant cigarettes et verres d’alcool, ils essayent de noyer leur désarroi face aux blessures ou à la mort de leurs camarades. La productrice ukrainienne Daria Bassel, qui dit avoir visionné le film à Venise, y a vu un «exemple parfait de pure propagande russe» dans lequel les soldats reprennent l’argumentaire du Kremlin pour justifier l’invasion.
La cinéaste ukrainienne Iryna Tsilyk a, elle, critiqué les organisateurs de la Mostra pour avoir présenté «quelque chose qui sent si mauvais». Selon son site internet, Anastasia Trofimova a réalisé précédemment plusieurs documentaires en Syrie, Irak, Congo notamment diffusés par la chaîne étatique russe RT, sanctionnée dans l’Union européenne et aux Etats-Unis.