Festival d’Annecy: quand le cinéma d’animation permet aux réalisateurs de raconter autrement la guerre

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A travers les yeux d’une peintre assassinée à Auschwitz, de femmes angolaises ou encore dans un univers fantasmé d’oursons et de licornes: le cinéma d’animation permet aux réalisateurs de raconter autrement la guerre, omniprésente cette année au Festival d’Annecy. Loin des grosses productions signées Disney ou Netflix, ou de l’animation jeunesse, plusieurs films en lice pour le Cristal d’or samedi ont une tonalité sombre, se plongeant dans les causes des conflits ou leurs conséquences, à travers les témoignages de victimes. Avec ses combats apocalyptiques entre licornes et oursons dans une forêt magique, «Unicorn Wars» (sortie le 30 novembre), satire du militarisme, de l’endoctrinement et de la masculinité toxique, est probablement le plus singulier. «L’animation a son propre langage. C’est un média très libre, entre le cinéma et la bande dessinée», et qui peut embrasser toutes sortes de sujets, comme ici «les causes universelles des conflits», explique son réalisateur Alberto Vasquez. Dans une atmosphère de fin du monde, ce film orwellien retrace l’histoire de deux oursons embarqués dans une guerre contre les licornes, gardiennes de la forêt. «Les oursons vivent dans une société militaire», alliance du sabre et du goupillon, avec un prêtre justifiant la guerre sainte contre les licornes, au nom d’une doctrine: sera sanctifié celui qui boira le sang de la dernière licorne. Alberto Vasquez, qui s’amuse à profaner les icônes les plus mignonnes de la pop culture, avec force empalement d’oursons, explique profiter de la liberté totale qu’offre l’animation pour mélanger «Apocalypse Now» et la Bible: «l’idée est un peu punk», euphémise-t-il, «c’est provocateur et pas complaisant». D’autres cinéastes s’inscrivent dans une veine plus réaliste, un an après le Cristal d’Or à «Flee», l’histoire vraie de la fuite vers l’Europe d’un jeune réfugié afghan homosexuel. L’animation permettait de mettre un visage humain sur la question, tout en préservant l’anonymat de celui qui l’a inspiré. Cette année, c’est l’Angola et sa guerre civile qui sont au coeur de «Nayola», un film de José Miguel Ribeiro. Il y met en scène trois générations de femmes traumatisées par la guerre: une grand-mère, une mère et sa fille. Qu’elles aient vu leur vie brisée par le conflit, leur mari disparaître dans les combats ou qu’elles tentent de dépasser ces stigmates en se lançant dans le rap, ces trois femmes se retrouvent dans ce film onirique, qui veut nous plonger dans leur univers intérieur. Adapté d’une pièce de théâtre angolaise par un réalisateur venu du Portugal, l’ancienne puissance coloniale, ce film réalisé en 2D avec différentes techniques d’animation, entend mettre l’accent sur la place des femmes dans les conflits. Un enjeu que partage «Charlotte», consacré à la peintre juive Charlotte Salomon, assassinée à Auschwitz à l’âge de 26 ans. L’écrivain David Foenkinos avait déjà retracé son destin dans un roman du même titre, en 2014. D’une construction classique, mélangeant dépouillement et impressionnisme, le film retrace les dernières années de vie tragique de cette peintre allemande, qui trouve refuge sur la Côte d’Azur avant d’être rattrapée par les nazis.Jusqu’à sa déportation, elle n’a jamais cessé de peindre l’oeuvre de sa vie «Leben? oder Theater?», une série de plus de 700 gouaches et aquarelles qui a miraculeusement réchappé aux destructions. «Après «La Liste de Schindler»», le chef-d’oeuvre de Spielberg sur la Shoah, «il est difficile de refaire un film sur le même sujet», admet l’un des co-réalisateurs, Eric Warin. Avec ses gros plans sur les visages, mais aussi des fondus et des plongées dans les peintures de l’artiste, qui s’animent à l’écran, le film entend «placer le spectateur sur son épaule, en train de peindre», ajoute-t-il: «L’animation permet des choses qu’on ne peut pas exprimer avec le cinéma» traditionnel.