Avec l’arrivée imminente d’un vaccin contre le Covid-19, les voix des anti-vaccins se font de plus en plus fortes, les sondages se multiplient… Mais la riposte existe, s’organise, consciente de partir avec du retard et des propos moins flamboyants. «Les anti-vax ont commencé à monopoliser les réseaux sociaux bien avant qu’on se rende compte qu’il y avait un problème de défiance. Donc, ils ont pas mal de longueurs d’avance sur tout le monde», résument, lapidaires, les Vaxxeuses. Derrière ce nom, une page Facebook suivie par plus de 15.000 personnes, dont la philosophie est clairement affichée: «La vaccination est la plus grande avancée médicale. Elle a sauvé des millions de vies. Ne laissez pas les mensonges vous faire douter de ses bénéfices». Leur technique ? Répondre inlassablement, aux anti-vaccins, de façon totalement anonyme – les messages d’insulte ont eu raison de leurs noms – et organisée.Avec l’apparition du Covid, «la riposte commence à se coordonner», se félicite Anna, une des vaxxeuses. «Mais on n’a pas la même visibilité que les anti-vax, et les algorithmes ne nous aident pas». «Par exemple, quelqu’un qui doute va écrire [dans un moteur de recherche] +danger vaccins+. Et là les algorithmes vous envoient tout de suite sur des sites conspirationnistes!». «Quelqu’un qui vient avec des préjugés sur un sujet quelconque a 9 chances sur 10 de se faire embarquer dans des sites conspi», ajoute-t-elle. Alors comment lutter ? «On fait de la veille sur les réseaux sociaux, on regarde tout ce qui est publié sur les vaccins: quand ce sont des médias généralistes qui en parlent, on essaye d’aller commenter pour signaler l’existence de pages qui font de la pédagogie, on argumente… en restant le plus calme, possible». «Souvent les antivax font appel aux émotions, à la peur … nous on essaye plutôt de toucher l’intellect. Or les gens ont l’habitude de réfléchir avec leurs tripes. Du coup on essaye de mixer… On s’est rendu compte que le comique marchait bien sur certains mais en rebutait d’autres. On alterne humour, pédagogie, dialogue…». Mais pourquoi avoir créé une page pro-vaccins pour s’adresser aux anti ? «Parce qu’on ne peut pas aller sur leur terrain: quand on va sur les pages et groupes anti-vax, on se fait foutre dehors vite fait bien fait», explique Pierre. «L’idée n’est pas d’aller convaincre des anti-vax, parce que renoncer à cette croyance dans laquelle ils on beaucoup investi et qui constitue beaucoup de ce qu’ils sont ce serait presque impossible», abonde Jérémy Descoux, cardiologue, plusieurs dizaines de milliers d’abonnés sur sa chaine Youtube et son compte Twitter. «L’objectif, c’est d’apporter un contrepoids», ajoute ce médecin dont les vidéos sont vues des milliers de fois. «Pour que les gens qui peuvent douter -ce qui est légitime – puissent avoir des réponses faciles d’accès et scientifiquement sourcées». Une lutte inégale, reconnait le cardiologue: «il est beaucoup plus facile de capitaliser sur de la peur et d’apporter des réponses simplistes que d’expliquer des situations complexes. Arriver avec un discours raisonnable c’est difficile: on voit bien que face aux discours simplistes et populistes, c’est moins sexy, moins vendeur, moins flambant». A quoi ressemble ce combat hors des réseaux sociaux ? C’est «ce qui marche le mieux», estime Jocelyn Raude, psychologue social à l’école des hautes études en santé publique: «former les médecins généralistes à ces questions là. On réussit comme ça à augmenter sensiblement la couverture vaccinale».Attention cependant, comme en ligne, «on ne peut pas convaincre des gens qui ont des positions fortes anti-vaccins. Les analyses montrent que cela produit même l’effet inverse à celui recherché: ça les renforce dans leurs arguments».Heureusement, les hésitants «forment la majorité des gens vaccino-sceptiques», ajoute le chercheur.