Entre-deux tours: des craintes sur un interventionnisme des deux candidats dans le choix de ses animateurs

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Moment symbolique de la présidentielle, le débat d’entre-deux tours a été précédé cette année de craintes sur un interventionnisme des deux candidats dans le choix de ses animateurs, après plusieurs polémiques de ce genre durant la campagne. Organisé le mercredi 20 avril à 21h00, quatre jours avant le deuxième tour, le débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen sera présenté par les journalistes Léa Salamé (France 2) et Gilles Bouleau (TF1), ont officialisé les chaînes jeudi. Comme c’est l’usage pour ce rendez-vous traditionnel depuis l’élection de 1974, ces noms ont fait l’objet d’un accord entre les chaînes et les équipes de campagne. Mais au sein de France Télévisions, certains jugent que ce choix n’aurait pas forcément été le même si les candidats n’avaient pas été consultés. Au centre des interrogations, la présentatrice du 20h00 de France 2, Anne-Sophie Lapix. «On entend que ni Macron ni Le Pen ne voulaient d’elle depuis des jours voire des semaines», dit une reporter de la rédaction. Une position que Jordan Bardella, président par intérim du RN, a publiquement assumée. «Marine Le Pen ne souhaite pas qu’Anne-Sophie Lapix anime le débat» car la journaliste «n’arrive pas à dissimuler son hostilité», a-t-il affirmé sur CNews lundi. La direction de France Télévisions, elle, réfute catégoriquement avoir cédé à des exigences des candidats. «Personne n’a été retoqué, ceux qui diront le contraire mentiront», assure Laurent Guimier, directeur de l’information du groupe public. «Léa Salamé, qui est une excellente intervieweuse, était le choix numéro un», poursuit-il au sujet de celle qui coanimait avec lui Elysée 2022, l’émission de 1ère partie de soirée de France 2 sur la présidentielle. «Il y a une logique» à ce qu’elle anime le débat après avoir présenté cette émission-phare, souligne M. Guimier.De son côté, «TF1 a eu toute latitude dans le choix de son journaliste», a déclaré Thierry Thuillier, DGA du pôle Information du groupe TF1. «Nous n’avions qu’un seul devoir: la parité. Il était clair que si une femme devait représenter France Télévisions, c’était forcément un homme (pour TF1), et cet homme c’était forcément Gilles Bouleau», a-t-il ajouté. Cet épisode a en tout cas nourri les critiques contre la pratique qui veut que les candidats aient leur mot à dire sur les animateurs du débat. «Ce droit de véto ou de récusation d’un autre temps doit être aboli», a dénoncé le Syndicat national des journalistes (SDJ) de France TV mercredi, après la parution d’articles des journaux «Le Parisien» et «Le Monde» mentionnant le cas Lapix. «Ces choix devraient revenir aux équipes rédactionnelles et à elles seules», a renchéri jeudi un autre syndicat, le SNJ-CGT. «C’est vrai que c’est un peu archaïque», dit le journaliste Christophe Jakubyszyn. Aujourd’hui à BFMTV, il avait coanimé pour TF1 le débat d’entre-deux tours de 2017, déjà entre M. Macron et Mme Le Pen. Au-delà de ce débat symbolique, plusieurs polémiques de ce genre ont marqué cette campagne. Dans la semaine précédant le premier tour, M. Macron avait été le seul des douze candidats à ne pas participer à Elysée 2022, son équipe mettant en avant des «problèmes d’agenda». La SDJ de France 2 lui avait reproché de «refuser les invitations» de la chaîne. Pour respecter l’égalité des temps de parole, France 2 avait diffusé des images d’un de ses meetings, ce qui avait suscité des tensions dans la rédaction. Et mardi lors d’une conférence de presse, Marine Le Pen a assumé de marginaliser les journalistes de l’émission Quotidien (TMC), accusés de faire du «divertissement» et non de l’information. «Soirée électorale, événement de campagne, interview en plateau, conférences de presse… Ce n’est pas aux politiques de choisir les journalistes qui les interrogent», a protesté mercredi la SDJ de France 2 à la lumière de tous ces incidents.