Une quinzaine d’organes de presse, dont l’Agence France-Presse, ont uni leurs forces mercredi pour lutter contre la désinformation en amont de l’élection présidentielle de février au Nigeria au moment où les principaux partis politiques s’accusent mutuellement de fausse information.
Le projet CrossCheck Nigeria, en collaboration avec le Centre international du journalisme d’enquête (ICIR) d’Abuja et First Draft, une ONG britannique qui vise à lutter contre la désinformation dans le monde entier, ambitionne de faire travailler ensemble des médias habituellement concurrents pour enquêter et réfuter l’afflux de fausses informations sur les réseaux sociaux.
Alertés par le grand public, qui peut directement demander aux journalistes de se pencher sur telle ou telle information, grâce à un numéro Whatsapp ou sur le site internet du groupe, les médias publieront les résultats de leurs recherches. Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 180 millions d’habitants, se rendra aux urnes en février prochain pour élire son président, ses députés et gouverneurs (le Nigeria est un pays fédéral).
Le chef de l’Etat Muhammadu Buhari, 75 ans, est candidat à sa propre succession et affrontera le richissime homme d’affaires et ancien vice-président Atiku Abubakar, 72 ans.La campagne entre ces vétérans de la politique nigériane devrait être féroce et les résultats serrés. L’état de sécurité très dégradé dans plusieurs régions inquiètent les observateurs, qui craignent de nombreuses violences en amont et lors des scrutins. Si le dernier scrutin de 2015 avait été relativement calme, les élections au Nigeria sont souvent sanglantes et font des centaines de morts. Dans ce pays où l’immense majorité de la population vit dans la grande pauvreté et où le niveau d’alphabétisation est très faible (59%), les fausses informations, souvent créées à dessein politique, se propagent comme une trainée de poudre sur les 140 millions de téléphones portables que compte le pays, selon les chiffres de la Nigerian Communications Commission de 2017.
Le pays est divisé entre un nord musulman et un sud chrétien, ainsi qu’en une multitude de groupes communautaires aux intérêts souvent divergents, ce qui amplifie le risque de propagation de rumeurs ou de fausses nouvelles. Un projet similaire a été mené en France et au Brésil, avant leur élection présidentielle.
Pour le directeur exécutif d’ICIR, Dayo Aiyetan, Facebook, Twitter et WhatsApp sont devenus «des moyens pour les politiciens de répandre des informations erronées, des rumeurs et des mensonges». «Les médias ont la responsabilité de vérifier les informations diffusées sur les réseaux sociaux pour s’assurer de leur véracité», ajoute-t-il.