Focus sur la création récente de la Direction des Médias et des Publics du pôle Outre-mer de France Télévisions. Alors que la Direction des Contenus se concentre sur la production, la Direction des Médias et des Publics gère quant à elle la distribution en déterminant les publics, les formats, les supports, la programmation, et mesure aussi les performances et impacts. Tour d’horizon avec Emmanuel TOURPE, Directeur des médias et des Publics du pôle Outre-mer de France Télévisions.
Quelle est votre vision pour la Direction des Médias et des Publics du pôle Outre-mer, et quels objectifs clés espérez-vous atteindre ?
Notre premier objectif clé est de définir clairement notre rôle au sein du pôle Outre-mer. Concrètement, il s’agit de faire en sorte que des tâches et fonctions autrefois considérées comme secondaires par rapport à la production de contenu dans une organisation audiovisuelle (programmation, marketing, digital…) deviennent primaires. Les médias et les moyens d’accès aux contenus sont de plus en plus fragmentés. Nous ne parlons plus d’un public, mais des publics. Il est donc crucial de déterminer où se trouvent ces derniers, à quel moment les toucher et sur quel support les atteindre. Nous souhaitons réunir tous les métiers et leur donner plus de puissance afin de distribuer les contenus de manière adéquate. À terme rapide, nous devons instaurer une culture très renforcée de la performance tous médias auprès des publics. La part de marché seule ne suffit plus pour évaluer comment nous atteignons les publics. Dans la plupart des territoires ultramarins, la population est beaucoup plus jeune que dans l’Hexagone. Il est donc essentiel de développer une culture numérique et de favoriser la convergence des médias plutôt que de travailler en silo. Ainsi, nous passons d’un univers radio-TV à un univers audio-vidéo, multi-distribué.
Quels sont vos différents piliers pour structurer la Direction Médias et des Publics du pôle Outre-mer ?
Nous avons organisé la Direction des médias et des publics autour de quatre piliers : 1) La performance des médias à travers des études faciles à lire et accessibles pour obtenir une vue d’ensemble de la performance transmédia, afin de mieux piloter nos actions. 2) La création d’une direction des antennes numériques pour renforcer le portail des Outre-mer, améliorer son référencement, son ergonomie, son marketing, et son catalogue vidéo. Nous renforçons également en son sein ce que j’ai nommé une «Académie Digitale» à Malakoff, qui fournit un soutien web (référencement et nouveaux formats) aux neuf territoires d’Outre-mer. N’oublions pas que nous sommes le service public du numérique. 3) Nous devons assurer un soutien à la programmation TV, radio et numérique. Aujourd’hui, les grilles de programmation sont établies dans les territoires ultra-marins. Nos équipes vont donc s’y rendre pour réformer les grilles et mettre à jour des programmations TV, radio et web pour qu’elles soient les plus performantes. Enfin, 4) Le marketing stratégique et opérationnel. Comme les Outre-mer produisent des contenus remarquables, nous devons les promouvoir efficacement pour maximiser leur impact.
Vous êtes-vous inspiré des modèles de la BBC et de la RTBF pour développer vos stratégies de distribution ?
Je connais très bien ces modèles, ayant participé de l’intérieur à plusieurs réformes de la RTBF. Il y a des analogies et des différences, mais l’idée de base est la même. Comme on le voit dans tous les services publics du Nord de l’Europe, un média, quel qu’il soit, doit s’organiser autour d’un centre de production et de distribution de contenus. Cette centralisation permet d’éviter le cloisonnement des métiers entre la TV, la radio et le web. Il est essentiel d’avoir des professionnels maîtrisant la convergence entre les médias, capables d’atteindre tous les publics et de gérer la temporalité de la consommation pour ne pas se reposer uniquement sur les publics acquis.
Quels sont les principaux défis que vous avez identifiés dans la distribution des contenus dans les régions d’outre-mer ?
Le principal défi est de faire collaborer des médias qui, comme partout, s’étaient organisés séparément : d’un côté la télévision, de l’autre la radio. Il s’agit aussi de les faire travailler de manière hybride. Le deuxième défi est de bien comprendre que la production et la distribution numérique ne sont pas des éléments secondaires, mais bien le cœur de toutes nos activités. L’univers médiatique n’est plus seulement radio-TV, il est maintenant audio-vidéo. C’est un véritable changement de paradigme, et l’enjeu consiste à intégrer ce changement au niveau organisationnel.
Comment envisagez-vous d’utiliser les nouvelles plateformes numériques pour améliorer l’accès et l’engagement des publics dans les régions d’Outre-mer ?
En les positionnant au centre de toutes nos productions. Le premier endroit en Outre-mer où les jeunes consomment des contenus d’information en Guyane par exemple est WhatsApp. Si nous ne nous organisons pas pour être les premiers à fournir des informations sur cette messagerie, nous manquerons notre cible. En ce sens, nous allons lancer une grande étude sur le numérique dans les Outre-mer, ainsi qu’un rapport sur les formats d’information. Nous allons élaborer des stratégies pour que chaque station ultramarine crée sa propre feuille de route numérique et nous avons déjà lancé des formations à cet effet.