Des émissions médias, entre analyse et auto-promotion

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    Les émissions sur les médias se multiplient à la télévision comme à la radio et même sur Internet, jonglant entre l’objectif d’informer sur la vie des médias et le risque de tomber dans le people, l’autopromotion ou le nombrilisme médiatique, selon des professionnels interrogés. La dernière émission du genre est arrivée à la rentrée sur France 5: il s’agit de «Médias, le magazine», présentée par Thomas Hugues (ancien journaliste de TF1 et i-télé) et diffusée le samedi en fin de matinée. Dans cette même case, Canal+ propose «+ Clair». Il y a par ailleurs «Pif Paf» sur Paris Première, «Telle est ma télé» sur TPS Star, et Morandini, présent sur Europe 1 et Direct 8. Sans oublier, «J’ai mes sources», sur France Inter, mais aussi des sites Internet et des blogs. Thomas Hugues explique qu’il entend proposer «de l’analyse et des enquêtes sur le traitement de l’actualité par les médias». «On s’interroge, par exemple, sur pourquoi une photo fait la Une de tous les journaux ou encore, est-ce qu’il faut révolutionner le 20 heures», ajoute l’ancien journaliste de TF1 et i-télé. Thomas Hugues se défend de «faire la promotion de nouvelles émissions ou de suivre les bruits de couloir». Depuis début septembre, Thomas Hugues a reçu sur son plateau la nouvelle présentatrice du JT de TF1 qui est aussi son ex-femme, Laurence Ferrari, ainsi que Patrick Poivre d’Arvor, le prédécesseur de celle-ci dont il a lui-même été le joker. L’émission a par ailleurs proposé un débat autour du thème «l’Afghanistan, le prix du scoop» et un face-à-face entre le directeur de la publication du Point, Franz-Olivier Giesbert et le directeur de la rédaction de «l’Express» Christophe Barbier. Autre présentateur d’émission sur les médias: Philippe Vandel, tête d’affiche de «Pif Paf», qui donne la parole à des journalistes-chroniqueurs. Il estime qu’il y a «finalement peu d’émissions médias (…) quand on sait que les Français passent environ 3h30 par jour devant la télévision, et quand on compare au nombre d’émissions sur le sport et le cinéma». Selon François Jost, professeur à l’université Paris III spécialiste de la télévision, la première émission «avec une attitude critique» était «Arrêt sur image», créée en 1995 et présentée par Daniel Schneidermann. La naissance de ces émissions est survenue «aux moments où on a douté des médias, notamment de la télévision», estime François Jost. Il cite l’affaire du charnier de Timisoara en Roumanie en 1989 (les images «fictives» du faux charnier avaient été abondamment diffusées dans le monde entier) et la guerre du Golfe. «Le grand public a alors compris que la télévision, cette fenêtre sur le monde, n’était pas aussi transparente que ça (…) et qu’il fallait un peu comprendre comment elle fonctionnait», assure François Jost. Ce spécialiste estime cependant qu’Arrêt sur image «n’a pas vraiment été remplacé». Avec les actuelles émissions, «on glisse vers la promotion», déplore François Jost. Jean-Louis Missika, spécialiste des médias, parle lui de «people autoréférentiel»: «C’est le média qui fait une émission sur les médias, et ce sont les journalistes qui interrogent d’autres journalistes. Il y a une dimension narcissique, mais qui est typique de la télévision actuelle», précise M. Missika. Il estime aussi qu’«on vit une période de mutation profonde des médias, avec l’apparition d’Internet, de la TNT, de la télévision mobile personnelle». «Il y a donc quand même une actualité assez forte qui mérite d’être expliquée», reconnaît-il.