Un Russe, créateur d’une plateforme d’échanges de cryptomonnaies soupçonnée d’avoir blanchi des millions d’euros d’argent sale, a été arrêté mercredi aux Etats-Unis et cinq de ses complices présumés ont été interpellés en Europe. Fondateur de la plateforme Bitzlato, Anatoli Legkodimov, un Russe de 40 ans vivant en Chine, a été interpellé en pleine nuit à Miami, en Floride, dans le cadre d’un vaste coup de filet annoncé conjointement à Washington et Paris. Menotté et les pieds entravés, il a été présenté dans la journée à une juge fédérale qui l’a informé de son inculpation pour «activité non autorisée de transmission d’argent», un chef d’inculpation passible de cinq ans de prison. Mentionnant un «risque de fuite», les procureurs ont demandé son maintien en détention lors de cette courte audience, à laquelle son épouse a assisté. Cinq autres hommes, essentiellement de nationalités russe et ukrainienne, ont été arrêtés en Espagne au Portugal et à Chypre, dans le cadre d’une opération pilotée par des gendarmes français. Un autre suspect devrait être rapidement interpellé et un dernier a pris la fuite, selon une source proche de l’enquête, ouverte en septembre 2022 par la justice française. Tous sont soupçonnés d’avoir participé à la création et au développement de la plateforme russophone Bitzlato, qui permet «la conversion rapide de cryptoactifs de type bitcoins, ethereum, litecoins, bitcoins cash, dashs, dogecoins et tether USD en roubles», a précisé la procureure de Paris Laure Beccuau. «Cette plateforme était utilisée par les truands pour blanchir leur argent», a déclaré le général Marc Boget, commandant de la gendarmerie dans le cyberespace. Les serveurs de Bitzlato, localisés en France, ont été mis hors d’usage. Le nom de domaine et des cryptoactifs, estimés à près de 16 millions d’euros, ont également été saisis, a précisé la gendarmerie, qui estime à plus de deux milliards de dollars le total des transactions enregistrées sur Blitzlato depuis 2018. Cette opération «porte un coup dur à l’écosystème des cryptocriminels» et «répond à la crise de confiance dans les marchés de cryptomonnaies», a commenté la vice-ministre américaine de la Justice Lisa Monaco lors d’une conférence de presse. «Que vous violiez la loi en Chine ou en Europe – ou que vous exploitiez notre système financier depuis une île des Tropiques -, vous pouvez vous attendre à répondre de vos actes dans un tribunal américain», a-t-elle ajouté, en référence à l’arrestation aux Bahamas de l’ancien patron de la Bourse de cryptomonnaies FTX, Sam Bankman-Fried. La justice américaine reproche à Anatoli Legkodimov d’avoir adopté une politique «d’identification minimale» pour ses clients, en se vantant de ne demander «ni selfie, ni passeport». En conséquence, Bitzlato est devenu «un havre pour les fonds criminels», estime-t-elle. La compagnie est accusée d’avoir effectué l’essentiel de ses transactions avec «Hydra Market», la principale plateforme de vente du darknet jusqu’à son démantèlement en avril lors d’une opération conjointe des autorités allemandes et américaines.Opérant en langue russe depuis 2015, Hydra Market vendait aussi bien des drogues que des faux documents ou des logiciels malveillants sur cette face noire de l’internet. D’après le ministère américain de la Justice, les usagers d’Hydra ont échangé plus de 700 millions de dollars en cryptomonnaie via Bitzlato. Or, selon la plainte, Anatoli Legkodimov savait que ses clients se dissimulaient sous de fausses identités pour mener des activités illégales. En parallèle aux poursuites, le Trésor américain a inscrit Bitzlato sur une liste d’institutions présentant un «risque de blanchiment d’argent». «Cela transforme de facto Bitzlato en paria international», selon le secrétaire adjoint du Trésor Wally Adeyemo.