La couleur apparaissait à la télé en France il y a 50 ans

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Old TV Show

Quatre hommes debout, l’air grave devant un sobre décor d’où émergent quelques taches plus vives, du mobilier contemporain orange et vert: telle est la première image en couleur diffusée à la télévision française il y a 50 ans. Ce 1er octobre 1967, le ministre de l’Information, le gaulliste Georges Gorse vient inaugurer en personne le premier programme en couleursdans les studios de la jeune deuxième chaîne de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), qui n’existe que depuis trois ans. La veste bleu ciel et la cravate rouge du ministre contraste avec les costumes anthracite et les mines sombres des trois dirigeants de l’ORTF qui l’entourent. L’AFP annonce dans une dépêche: «M. Georges Gorse, ministre de l’information, entouré de plusieurs dirigeants de l’ORTF, notamment M. Jacques-Bernard Dupont, directeur général, a annoncé à 14h30 aux téléspectateurs le début des émissions en couleur». «Et voici la couleur, au jour fixé et à l’heure dite!» lance le ministre au moment où l’image passe du noir et blanc à la couleur, selon l’archive vidéo conservée par l’Ina (Institut national de l’audiovisuel).Georges Gorse ne s’adresse alors qu’à une poignée de télespectateurs, disposant d’un de ces nouveaux postes utilisant le système français de diffusion en couleur, Sécam. «Je sais bien que pour l’instant nos images en couleur ne sont accessibles qu’à quelques privilégiés et qu’elles ont un certain caractère confidentiel encore», reconnaît le ministre. L’immense majorité des huit millions de téléviseurs en France sont en noir et blanc: seuls 1.500 postes sont en couleur, selon l’Ina. «Le programme, qui est diffusé aujourd’hui, est avant tout un programme de rodage», rapporte l’AFP. «Outre les actualités, il comprend un reportage, un film, «L’eau vive» dont les extérieurs furent tournés en couleur en Haute-Provence sur les bords de la Durance, des documentaires sur l’art, un dessin animé, des variétés, etc.». La couleur va progressivement s’imposer sur le petit écran. La troisième chaîne française sera diffusée en couleur dès sa création fin 1972. Mais il faudra attendre la fin des années 70 et le début des années 80 pour que la première chaîne (devenue TF1 en 1975) se convertisse à la couleur après la modernisation par étape de son réseau d’émetteurs. Sans qu’il y paraisse, l’arrivée de la couleur représente un enjeu industriel et diplomatique pour la France du général de Gaulle. Les États-Unis exploitent depuis les années 50 leur propre technologie de diffusion couleur, le système NTSC (National Television System Committee). Mais le système américain est de qualité médiocre: il est surnommé en anglais Never Twice the Same Color («jamais deux fois la même couleur») en référence à l’instabilité des couleurs sur les écrans. Un ingénieur français Henri de France met au point en 1956 un procédé plus stable, le système Sécam (pour Séquentiel couleur à mémoire) tandis que le groupe allemand Telefunken développe son propre standard, Pal dérivé du système américain. «La diplomatie gaullienne va faire de l’exploitation de cette technologie française un de ses chevaux de bataille» explique Pascal Rozat, conseiller à l’Ina dans l’article «Histoire de la télévision, une exception française?». La norme Sécam est adoptée par l’URSS: en octobre 1967, les premières diffusions d’images en couleurs se font d’ailleurs simultanément à Paris et à Moscou. Mais elle échoue à s’imposer en Europe de l’ouest où le système Pal se répand partout. L’isolement de la norme française prendra fin avec l’arrivée d’appareil compatibles Pal/Sécam dans les années 80. Cela n’empêchera pas le système français d’être raillé et ses initiales Sécam détournées en : «Surtout Éviter la Compatibilité Avec le Monde» et «Système Élégant Contre les Américains».