Après de «turbulents» débats, le Sénat a présenté jeudi 32 propositions pour moderniser les règles du paysage médiatique français, dans un contexte d’inquiétudes concernant le pluralisme de l’information suscitées par les grosses opérations de concentration en cours. De l’aveu même du président de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias, le centriste Laurent Lafon, l’adoption de ce rapport de 381 pages par les 21 parlementaires concernés -Les Républicains constituant le gros des troupes avec 9 membres- était loin d’être une évidence. L’unanimité était en effet requise pour que le rapport soit adopté. «Dans ce travail un peu turbulent, j’ai tout fait pour qu’il y ait un consensus», a affirmé le rapporteur de la Commission, le socialiste David Assouline, lors d’une conférence au Sénat. Après avoir mené entre fin novembre et début mars 48 auditions publiques avec tous les grands acteurs du secteur -capitaines d’industrie, propriétaires de médias comme Bernard Arnault, Vincent Bolloré, ou Martin Bouygues, ainsi que des médias indépendants, syndicats et pouvoirs publics-, les sénateurs avaient suscité une certaine attente. D’autant plus que deux opérations en cours, la fusion TF1-M6 et l’assaut de Vivendi (propriétaire de Canal+, Prisma Media, premier groupe de presse magazine en France et de Havas) sur Lagardère (Europe 1, «JDD», «Paris Match»), ont mis les médias en ébullition, en pleine période d’électorale. Dans leur rapport, les sénateurs préconisent de renforcer l’indépendance et l’éthique au sein des médias au moyen d’un dispositif incluant un administrateur indépendant, l’Arcom (ex-CSA), régulateur de l’audiovisuel et du numérique, et des comités d’éthiques. Face au modèle choisi par exemple par CNews, la chaîne contrôlée par Vincent Bolloré, de privilégier des formules de plateaux avec des débats à un travail d’investigation plus coûteux, les sénateurs proposent de prévoir une part minimale de l’investissement consacrée à l’information sur les antennes. Ils insistent également sur «le respect de la pluralité des points de vu et des sensibilités dans la présentation des débats». Les sénateurs estiment par ailleurs qu’»il est essentiel d’offrir à l’audiovisuel public les moyens de ses ambitions, face à un secteur privé qui pourrait demain gagner en taille comme en influence». Par conséquent, ils proposent d’«assurer une ressource fiscale autonome et pérenne pour le financement de l’audiovisuel public». Une affirmation pas anodine après la promesse le 8 mars du candidat Macron de supprimer la redevance audiovisuelle, s’il était réélu. Dans leur rapport, les sénateurs suggèrent aussi de «réviser les conditions d’octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels les titres candidats sont rattachés». Enfin, ils souhaitent l’organisation d’un grand débat cette année au Parlement où le gouvernement viendrait présenter ses conclusions pour réformer la loi relative à la liberté de communication de 1986, votée à une époque où les géants d’internet n’existaient pas. Le gouvernement présenterait les orientations qu’il envisage suite à ce rapport sénatorial et à celui sur le même sujet commandé par les ministres des Finances et de la Culture, Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot, qui devait leur être rendu jeudi. Les ministères n’ont pas encore communiqué à ce sujet. «Je ne suis pas sûr que l’on ait connaissance de ce rapport dans les 15 jours, voire dans les 2 mois à venir», a estimé Laurent Lafon. Si une réforme des règles avait lieu, elle ne pourrait dans tous les cas pas s’appliquer rétroactivement, et donc ne concerneraient pas les 2 grosses opérations en cours, la fusion TF1-M6 et l’assaut de Vivendi sur Lagardère.
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