Le marché de la vidéo, après avoir doublé sa taille entre 2017 et 2021, enregistre une croissance plus mesurée de 6,3% en 2023, selon l’Observatoire de la vidéo à la demande du CNC. Cette expansion est principalement soutenue par le segment de la vidéo à la demande par abonnement qui connaît l’augmentation la plus significative avec une croissance de 9,6%. Pour en savoir davantage, média+ s’est entretenu avec Cécile LACOUE, Directrice des études, des statistiques et de la prospective du CNC.
Comment analysez-vous l’évolution globale du marché de la vidéo à la demande, notamment en ce qui concerne le franchissement du seuil des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires ?
Il y a des tendances qui se confirment. Le marché de la vidéo à la demande par abonnement continue de progresser fortement (+9,6% sur 1 an). Toutefois, ce taux de croissance est inférieur à ceux observés durant les années de crise sanitaire où la SVOD avait enregistré des augmentations exceptionnelles de 51% en 2020 et de 29,6 % en 2021. Malgré tout, le marché est toujours très dynamique avec de nouveaux acteurs (Paramount+, Universal+) et de nouvelles offres moins chères avec de la publicité (sur Netflix, Disney+ et prochainement Prime Video). La croissance est également tirée par les stratégies des principaux acteurs qui ont progressivement augmenté le prix de leurs offres premium de 50 à 70% depuis leur lancement. Le marché arrive à maturité et va chercher à être plus rentable.
Les hausses de tarifs vont-elles se poursuivre ?
S’appuyant sur l’historique des augmentations tarifaires, on observe que Netflix adopte une stratégie consistant à augmenter graduellement le prix de ses offres au fil des ans par de petites touches successives. Apple TV+ a procédé à une hausse de ses tarifs de 3 euros à la fin de l’année dernière, et Disney+ de même sur son offre premium. En outre, à partir du 9 avril, Prime Video introduira une nouvelle offre avec publicité ainsi qu’une option sans publicité, accessible moyennant un supplément de 1,99 euro par mois. Cette évolution tarifaire illustre un rapprochement avec les tarifs pratiqués par la télévision payante il y a une décennie, témoignant d’une tendance à l’augmentation des coûts pour les consommateurs sur le marché de la vidéo à la demande.
La chute de 15% de la vidéo physique impacte-t-elle le marché global de la vidéo ?
Aujourd’hui, la vidéo physique ne représente plus que 8% du marché global. Ce marché continuera à rétrécir sans complètement disparaître. Il y a encore des fidèles, notamment sur les films de patrimoine.
Par quoi le marché de la vidéo est-il porté ?
La consommation est stimulée par les séries sur la vidéo à la demande par abonnement et les films sur la vidéo physique et la TVOD. Concernant les films de cinéma, leur disponibilité en vidéo à la demande est régulée par la chronologie des médias, permettant leur sortie 4 mois après leur première diffusion en salle. Cependant, certains films ont la possibilité de sortir en TVOD seulement 3 mois après.
Face à un marché en recomposition (nouveaux acteurs, évolutions tarifaires), quelles stratégies doivent adopter les leaders du marché pour rester compétitifs ?
Les plateformes se concentrent déjà sur l’enrichissement de leur catalogue. C’est la clé pour retenir leur base d’abonnés. Avec l’augmentation des prix des abonnements sans engagement, les utilisateurs sont davantage incités à explorer d’autres options. La propension à payer du consommateur n’est pas infinie. Pour se démarquer dans un marché concurrentiel, il devient crucial d’offrir plus de contenus originaux. Les plateformes cherchent également à optimiser leurs investissements de manière plus efficace. Elles doivent trouver un équilibre entre le coût de production des Originals et un investissement raisonné. Cette stratégie inclut le développement de contenus locaux pour captiver un public de proximité.
L’augmentation des investissements dans les productions locales et le développement des Originals vont finalement transformer le paysage de la SVOD ?
Ça le transforme en partie, avec plus de contenus locaux non anglosaxons, plus d’exclusivité et de fragmentation de l’offre. Cependant, on assiste à certains assouplissements de ces stratégies d’exclusivité car pour les studios, licencier leur catalogue à des tiers (chaînes de TV ou plateformes) plutôt que de les réserver pour leurs plateformes est une source de revenus significative. Lors de son lancement, Disney+ diffusait en exclusivité les productions de la firme. Aujourd’hui, ils semblent revenir un peu sur cette stratégie pour à nouveau distribuer leurs œuvres chez d’autres acteurs. Un cas similaire s’est produit avec la série «Friends», dont Warner Bros. Discovery souhaitait initialement récupérer les droits, et qui est finalement toujours sur Netflix en France, en attendant peut-être le lancement de Max avant l’été. On peut également citer Prime Video qui a cédé les droits de diffusion de certaines de leurs productions originales à des chaînes de télévision françaises.
Quelles sont les implications de la concurrence croissante des services gratuits (BVOD, AVoD, FAST) pour le marché payant ?
La concurrence provient avant tout aujourd’hui des plateformes de streaming éditées par les chaînes de télévision traditionnelle, plus que des FAST. Elles bénéficient d’un public fidèle grâce à la puissance du linéaire : TF1+, France.tv et bientôt M6+. On assiste à un phénomène de plateformisation des chaînes de télévision. Et avec l’arrivée des plateformes de SVOD historiques sur le marché publicitaire, les chaînes sont incitées à renforcer leur position pour rester compétitives.